Cooking Cup: cuisiner en mer
Dimanche dernier, l’édition zéro de la Cooking Cup mettait les voiles. Un principe simple : faire monter un chef sur un bateau avec un équipage, régater sur un parcours balisé, et revenir à terre avec un plat salé, un plat sucré! Note : 50% navigation, 50% cuisine.
Son initiateur, Rodolphe Bodikian a voulu ainsi redonner envie aux navigateurs du dimanche de sortir les voiles, provoquer la rencontre entre chefs et navigateurs, manger des plats qui parlent de « bon, durable, dans le vent« . La Cooking Cup a réuni une très belle demi douzaine de cuistots marins: Pierre Gianetti, Ludovic Turac, Pierre Antoine Denis, Pierre André Aubert, Mohmmad Irshaid et Nicolas Doussière.
10h. Chacun constitue devant le club de l’UNM son panier avec des produits rapportés par l’organisation et leur propre épicerie – de la levure pour sa focaccia (Ludovic Turac), des légumes fermentés pour le cuisinier solaire du Présage, des grenades pour un taboulé (Pierre Gianetti). Sur place, des daurades, de la belle ventrèche de thon, des girolles, des poires et des pommes, obligatoires selon le règlement pour le dessert.
11h. Les équipages embarquent. Avantage pour la team Gianetti: Pierre a le pied marin et sait manier la voile aussi bien que le couteau. Inconvénient: le voilier de Rocco est un des plus petit et le carré tient tout juste 4 personnes; D’autres découvrent à bord un four, certains un frigo, les plus chanceux, une cave à vin.
11h15. C’est le départ. La brume des entrées maritimes promet de se lever pour le retour au port prévu vers 15h.
15h. le 1er bateau avec Mohmmad Irshaid rentre au port. Six adresses dressées d’un carpaccio de daurade sont étalées dans le carré. La meringue qui va couvrir la tarte au citron en verrine se termine au fouet mécanique. On dresse, on sort, on gagnera in fine.
15h15. La team marinière arrive juste derrière. Joyeuse et pimpante d’avoir passé quelques heures au large. Mais petit problème: elle est tombée en panne de gaz. Le patron du bateau a bien mis du fioul mais oublié la bonbonne. On terminera le plat à quai. « On était tellement dans la navigation, qu’on a oublié de cuisiner », s’enchante de toutes façons Giannetti.
Jusqu’à 16h, les 4 autres suivent. S’ils ont l’esprit solaire, les 2 cuistots du Présage n’ont pas le pied marin: beaucoup de temps perdu sur le pont pour prendre l’air… Idem pour Pierre Antoine. « L’aller était tellement galère que j’ai passé le retour à oublier l’aller« . Petit dernier au port, mais 1er en présentation, l’équipage Turac a pris son temps. « C’était tellement bien qu’on a pris le temps de l’apéro au large. Voilà« .
16h00. Le jury (j’en étais!) pique enfin sa fourchette dans chacun des plats, présentés de façon anonyme. « Nous on est des marins, c’était Bolino ou taboulé. On a finalement opté pour un « Taboulé de thonton au bord de pré » dans l’esprit d’un plat à partager dans la carré: une ventrèche marinée qu’on a commencé à cuire puis on n’a plus eu de gaz, puis on a joué avec le cru cru« , résument Pierre Giannetti et sa seconde Marine.
Pour Ludovic Turac, une focaccia faite en mer. En 4h, le pain a bien levé, le chef a fini néanmoins de le cuire à la poêle pour être certain. Dressés façon Michelin, ces petits pavés de pain épicé ont été recouverts d’un aïoli d’espadon. Petits légumes transparents taillés à la mandoline, pluche d’aneth; joli! On aurait sans doute reconnu les yeux fermés la patte de la Cantinetta : une ventrèche de thon marinée grillée. « Du sucre, de l’acide, du sel, faut que ça frappe« . Ca frappait! Pour le chef de la Table du Fort, une daurade pochée « car les cuissons en mer c’est un peu compliqué« , accompagnée d’un bouillon de daurade très safrané, plus une focaccia au piment d’Espelette et compotée d’oignons. Enfin les cuisiniers solaires qui envisageaient leur plat en mode survie en mer, signent un « Pêche locale et fond de cale« : un tartare de thon agrémenté de condiments fermentés à Aubagne et une ventrèche juste chaude.
La navigation au pré a eu raison des desserts. Impossible de cuisiner dans un bateau couché. Un « bateau qui chavire », signé Pierre André (poires, son fameux financier poêlé et un sabayon verveine). Un « quart de nuit » par Pierre Giannetti – gâteau aux petits Lu à base de café « que l’on a refait 2 fois car le 1er est passé par dessus bord« , bien épicé, farci d’une compotée de pommes. Nicolas Doussière a fabriqué des fruits pochés « avec le vin trouvé à bord« . Elégante tarte tatin pour Ludovic Turac dressée sur le même principe que la focaccia et une mémorable « dégoulinance de pommes » assumée par Pierre Antoine Denis.
« Je suis soufflé de voir ce que vous avez sorti des bateaux« , applaudit Rodolphe. Chacun avec des moyens différents a produit de la vraie grande cuisine. En mai prochain, l’édition n°1 de la Cooking Cup s’ouvrira au grand public, avec diverses catégories. « Pourquoi pas des embarcations sans cabine, l’idée même de faire des sandwich de compet. Tout est possible. l’important c’est de prendre du plaisir« . Remember : vous cuisinez, venez avec votre bateau. Et l’inverse marche aussi.