Noël: gewurzt or not gewurzt
Doré soutenu à l’oeil, parfumé au nez, épicé, très aromatique (Gewurzt en allemand = épicé) au palais, le gewurzt a ses aficionados comme ses détracteurs. Je ne vous cache pas que je faisais plutôt partie de la 2è catégorie. Et puis une nouvelle virée au marché de Noël de Colmar m’a faite recroire au père Noël qui pourrait apporter des Alsace par milliers. Car, c’est bien la caractéristique, de cette région, il n’y a pas UN mais DES Gewurzt. Issu de la famille de cépages du savagnin (il porte d’ailleurs le nom de savagnin rose), le gewurztraminer fait partie des AOC alsaciennes depuis 1962.
Il y a 30 ans, on produisait des vins sucrés – les Allemands cherchaient des vins doux « , admet Anaïs Cattin, jeune héritière du domaine familial Joseph Cattin. Aujourd’hui, l’Alsace travaille différemment. « On ne veut pas du lourd« , s’enthousiasme Sophie Barmes-Buecher, « on veut partir sur l’élégance, la délicatesse ». Ainsi ce grand cru 2016 produit en biodynamie (25€), « très délicat puis explose et finit par la fraîcheur. Il n’y a pas de sucre qui reste au palais« . La jeune génération des vignerons indépendants d’Alsace – des Mathieu Deiss ou Rémy & Vincent Gross, – oublie le combo litchi mangue rose pour des sensations de pierre minérale. On découvre alors des vins produits en biodynamie et même en nature, certes toujours aromatiques, mais qui ont perdu la moitié de leur sucre. »De vraies signatures sans souffre« . Fiez-vous à la contre étiquette: les vignerons alsaciens s’attachent de mieux en mieux à décrire avec précision leurs flacons, à l’instar de Jessica Ouellet (ex sommelière) qui chiade très précisément les indications pour le domaine Wach.
Si vous avez prévu du foie gras, vous aurez sans doute prévu du gewurzt. Pour la suite, boudin blanc, marrons, courge restent dans le domaine; un Noël worldwide car les tajine, les sauces currys et autres connotations asiatiques crémeuses, relevées et coco s’en accommodent parfaitement. Les Japonais l’apprécient tout particulièrement avec les sashimis, wasabi oblige. Mais ne l’oubliez pas lors du fromage – des forts, des persillés ou des mendiants de brie – ou avec la tarte aux pommes poire coings feuilletée. Moi je l’aime aussi seul, à siroter comme un apéritif qui ouvre à la cuisine, en y revenant l’après midi au coin du feu, un peu frais. Et l’on pourrait bien « se terminer » par une lampée de marc de gewurzt qui fait un peu l’effet d’une grappa: aromatique et sec. Reste que la palette aromatique alsacienne est tellement vaste qu’elle permet tous les accords du repas! Et pas forcément pour très cher. A défaut de gewurztraminer, Pinot gris et dinde, Riesling et coquillages et jusqu’aux petits chocolats d’after lunch, l’Alsace fait carrément le job des fêtes.