Belles retrouvailles avec Mathieu Dupuis Baumal
Je l’avais rencontré au Domaine de Manville et été fort séduite par cette personnalité au look de rameur hawaien et à la cuisine affranchie qui ne collaient pas tout à fait avec le lieu – où il fut étoilé. Et pour cause, Mathieu Dupuis Baumal est parti et je l’ai retrouvé, du coté d’Aix, dans un magnifique domaine flambant neuf racheté par un homme qui a fait sa fortune dans le pneu… Au Château de la Gaude.
Matthieu a désormais un écrin sur mesure à sa mesure. Magnifique cuisine ouverte sur une salle contemporaine, dégagement sur les vignes (17ha), grandes tables nappées et une brasserie à venir. Le chef a eu carte blanche. Du coup, il a rempli les pages avec des propositions qui lui ressemblent parfaitement. On navigue entre huiles de Provence et kimchi coréen, noisettes du Piémont et mangue brûlée, jus gastro – Mathieu est notamment passé chez Eric Briffard, Christopher Hache, Michel Troisgros – et assaisonnements exotiques. « Je veux sortir de ma zone de confort », lance-t-il avant le service. On se destabilise d’emblée avec un fenouil confit, rôti, glace et gelée fenouil, un peu de pomme verte aussi. Une vision qu’il a construite par force voyages et regard ouvert autour de lui. Cet hiver, Mathieu a emmené toute son équipe au Japon, l’hiver prochain, ce sera sans doute le Brésil. Pas question de faire le touriste, à chaque fois c’est en véritable curieux de cultures et de techniques qu’il s’évade.
La carte tape haut dans les produits, Michelin est assurément en ligne de mire. Les carabineros – le gambas écarlate – qui suivent sont à tomber. Magnifique plat visuel en deux temps où l’on goute du tamarin et du piment, un tartare au sorbet wasabi et un jus de têtes au gingembre. L’hyper gourmandise dans la grande élégance. Même jeu, un peu plus loin, autour du pigeon dont différents morceaux – jusqu’aux abats – jouent merveilleusement avec sauces, cuissons et présentations : sauce teriyaki, le rôti, le confit ou la laque. Mathieu sait aussi bien traiter l’exubérance d’un tacos que la sagesse d’une sauce normande.
Les jus forment la colonne vertébrale de ce vaste menu en 5 services (135€) qui ne navigue pas droit, empruntant de grands chemins de liberté, évitant les impasses et fonçant droit dans ses affirmations. Tantôt sauces serrées et très classiques, tantôt des glaces réveillées d’une pertinente acidité. On les sert sur table, en laissant toujours le petit contenant à portée. Si bien que l’on se retrouve à trempouiller, reverser, saucer sans compter. Tous témoignent d’un lent travail de ciseleur doté d’un palais de chasseur.
La carte est à l’échelle. Pesant son poids, elle renferme des Grange des Pères, des Cheval Blanc comme des Hauvette ou des Cuilleron. Il faut encore citer l’attention portée aux tenues des gens de salle. Matières fluides et tons naturels, taillés sur mesure par Numa Foguccia, qui achèvent de donner à ce lieu sa cohérence dans une contemporanéité pleinement assumée. Permaculture, pain maison, brasserie et autres voyages sont le prochain programme de Mathieu Dupuis Baumal.