Tout sur le marron glacé
Ça n’est pas si souvent qu’on entend Paris vanter les louanges de Marseille. Ça fait d’autant plus de bien quand ça vient d’un grand chocolatier. Peu vous le diront, mais Patrick Roger, lui, assume ses fournisseurs: ses marrons glacés viennent de Corsiglia, entreprise marseillaise depuis 6 générations. Nombre de ces petits marrons soigneusement pliés dans du papier doré trouvés un aux 4 coins de l’hexagone proviennent aussi de cette fabrique artisanale, marseillaise (à la Blancarde) jusqu’au début des années 2000, et aujourd’hui installée à Aubagne, dans l’ancienne usine Pulco. En ce moment, l’entreprise est au taquet. Quelques 80 personnes s’affaireront jusqu’à Noël (l’entrerprise tombe ensuite à 35) à trier les marrons, les confire, les envelopper puis les expédier à Paris comme à Tokyo (1er marché à l’export). « C’est un métier de dingue » confie Alexandre, représentant de la nouvelle génération familiale lancé dans le marron héréditaire depuis 3 ans. Ils ne sont plus que 4 confiseurs en France, chacun ses méthodes. « Ici on ne fabrique des marrons, on les transforme« , s’évertue à dire Alexandre Corsiglia.
La méthode Corsiglia tient de « la recette artisanale ancestrale mais avec des outils modernes« . Le pliage par exemple, est désormais automatisé, par un process maison qu’on ne pourra photographier. Un excellent marron glacé tient avant tout de la patience: après tri et épluchage à la vapeur (d’autres, moins précis, le font au four) des spécimen arrivés de Turin ou Naples – « la Rolls Royce du marron » – on emmaillote les marrons par paire, dans une mousseline de coton de sorte qu’une fois gonflés de sirop, ils demeurent intacts.
Puis on les dispose bien serrés dans des paniers plongés pour les blanchir puis dans d’énormes cuves de confisage remplies d’un bain de sirop de sucre et glucose ultra vanillé. Pas moins d’ 1kg de vanille bourbon de Madagascar pour 800 de marrons. Pas de répercussion de l’augmentation patente du coût de la vanille sur le client – « de 150€ le kg en 2015, on est à 800€ aujourd’hui » – mais une réutilisation des gousses dans plusieurs bains. Au fur et à mesure des jours, le sirop de fonte se densifie en sucre; on sort régulièrement les marrons, c’est prêt quand ils sont tendres à coeur: l’opération prend 6 à 10 jours. On comprend alors pourquoi il est inutile de s’essayer au jeu à la maison…
Après séchage (1 nuit), on trie les marrons par taille: il en existe 3, la plus grosse étant réservée aux Emirats et consorts, show off jusque dans leurs papillotes. La taille moyenne, « facile à déguster en tout juste 2 bouchées » c’est pour bibi. Et la plus petite, c’est pour les Japonais, délicats jusqu’au marron plié doré! « Les Japonais en sont fans depuis que leur Empereur a découvert le Mont Blanc chez Angelina dans les années 70« , raconte Alexandre qui ne cesse de développer sa confiserie de luxe au pays du Soleil Levant. Les brisures, elles, partent en purée ou en déclassés. Pour 1kg de marrons glacés parfaits, il faut 2 kg de marrons secs. « On veut du moelleux dans les fruits et un glaçage transparent qui tienne l’humidité et un aspect sirupeux à l’intérieur« , résume Alexandre. Enfin, c’est l’étape du glaçage final. Disposés sur des grilles, les marrons défilent sous une préparation épaisse eau + sucre glace, avant séchage ultime et repos de 24h.
Il ne reste plus qu’à déguster. Mordre comme un goulu tasserait la farine de châtaigne du fruit et formerait une petite ligne blanche disgracieuse que les ignorants prennent pour une mauvaise cuisson. Les esthètes ouvrent leur marron glacé en deux, dans sa jonction naturelle, de sorte à s’assurer qu’une petite goutte de sucre perle bien à coeur puis l’avalent en 2 bouchées, suaves, sucrées et vanillées.
Voilà pourquoi peu de pâtisseries s’amusent à lancer leur propre production. On retrouve du Corsiglia sous bien des enseignes que le secret professionnel m’oblige à taire. C’est dommage, car la maison, qui cède 95% de sa production aux pros, est une vraie référence d’excellence dans le plié doré. Le seul point de vente officiel est à Marseille, chez Dromel Ainé, qui appartient à la famille et qui vend aussi des chocolats fabriqués par Corsiglia. Les Marseillais auront aussi la chance de pouvoir aller à la source les yeux fermés : Corsiglia a ouvert il y a deux jours sa boutique d’usine qui carbure non stop jusqu’au 26 décembre! Après, ce sera novembre 2018. Ou chez Patrick Roger qui a mis au point une recette exclusive sur mesure.