A Gênes, y’a que du plaisir
C’est cyclique : la France se prend à tour de rôle d’amour pour la Toscane, les Cinq Terres, la Sicile, les Pouilles. Cette année, c’est Gênes ! Les vacances voient débarquer dans la capitale de Ligurie des masses de Français avec enfants, poussettes et baskets. On découvre soudainement tout l’intérêt de cette ville aux 50 palais que l’on avait pris l’habitude de ne traverser que sur sa passerelle autoroutière. Moi, j’y suis venue régulièrement, petite, quand j’habitais en Tunisie, notre bateau partait de Gênes. Sans grand souvenir, je redécouvre aujourd’hui avec un amour instantané cette voisine de Marseille. A 5h de route de l’A50, nous y voilà (à noter à ce propos au départ de Marseille St Charles, l’énorme facilité des Flexibus, 5h direct, wifi et prises comprises, à p de 22€!).
Après le Colombo de 1992 (célébrant le 500è anniversaire de la découverte de l’Amérique), suite à l’année européenne de la culture de 2004, Gênes a connu un boom touristique, à l’image d’un Marseille post 2013. On découvre tout le charme d’une ville populaire et historique à la fois. Ceux qui connaissent Marseille, trouveront à Gênes indéniablement un air de ressemblance avec la cité phocéenne: la proximité de la mer en pleine ville, les rues cracra, un vieux-port (le Porto Antico). Manquent néanmoins un centre historique protégé par l’UNESCO, le charme des ruelles sombres, les couleurs, la folie des grandeurs de la République, les glaces à la noisette et la focaccia….
Ce pain levé à l’huile est né ici. Impossible d’y couper. Les focacceria sont à tous les coins de rue. Simples, natures, aux herbes, aux olives, à la tomate, et même au fromage… La vraie focaccia, peu levée (voire parfois quasi plate et du coup peu moelleuse), tout simplement au sel et à l’huile, est génoise ! « Toutes les autres, trop plates, trop huileuses, trop ceci, trop cela, sont fausses », vous affirmeront les Génois qui, à défaut de l’être sur tout, affichent une certaine générosité à revendiquer leur patrimoine.
Ces ritals au caractère british – distants, fermés, un peu froids, bref pas du tout italiens – revendiquent aussi le pesto (alla genovese), les tripes (alla genovese), la farinata (une sorte de socca alla genovese), les sauces aux noix (de Grenoble bien souvent…), les anchois, les trofie (de petites pâtes entortillées), le cappon magro (magnifiques constructions de poisson, viande et légumes) ou la Cima genovese (poitrine de veau farcie pour la faire courte). Une cuisine mare-monti, de mer et de montagne, car de Gênes, on voit les deux. Beaucoup de poissons (forza morue, poulpe et anchois) et de fruits de mer (haro sur les pâtes alla vongole). Communément, aux pignons, tomates, pommes de terre, olives taggiasca (noires violet et dodues, très goûteuses, l’huile d’olives de Ligurie est d’ailleurs ultra réputée), la cuisine ligure est bouillie, frite (la frisceui… toute la friture mixte), sur le port ), et au pesto (le fameux « alla genovese » + minestrone).
Côté sucre, on ne passera pas à côté du Pandore, concurrent du panettone, moins levé, rempli de raisins et fruits confits, qui se confectionne traditionnellement pour Noël. Et aussi la sacripantina (une génoise fourrée), les biscotti del Lagaccio (un peu l’équivalent des navettes marseillaises, des espèces de biscottes sèches et sans goût), les Amaretti (qui se font la guerre d’origine entre les villes de Voltaggio et Sasselo), la tarte aux pignons et enfin la turto paradiso.
Joliment baptisée par les Italiens qui en furent à l’origine mais récupérèrent la recette des pâtissiers français, la génoise serait née à la fin du 19è après qu’Auguste Jullien (l’inventeur du St Honoré) vit un ouvrier italien battre un biscuit sur feu doux. La vraie recette est née ensuite, baptisée en hommage à cet originaire de Gênes. Etonnamment, les pâtisseries de Gênes disposent partout dans leurs vitrines ces jolis biscuits pour nous assez ringards. Ils les fourrent à leur guise, souvent de chocolat. A découvrir encore, les addictifs baccio della donna – baiser de la dame – (double sablé aux noisettes fourré d’une pâte au chocolat). Ceux de Marescotti sont les meilleurs. Ou encore les brutto ma bueno (brutal mais bon!) et beaucoup d’autres petites pâtisseries « morbide » (sèches) à base de pignons (la région en est folle), amandes ou noisettes (le Piémont et ses IGP est juste au dessus).
Enfin côté vins, on tape dans les références piémontaises qui ne démordent pas des 14,5 : barbera, barabaresco, nebbiolo, un petit peu de Barolo. A l’apéro, il ne faut pas passer à coté du Corochinato!