Yann Couvreur auteur
Il y a quelques jours, dans ma boite aux lettres, le plaisir de trouver « la pâtisserie de Yann Couvreur ». Belle couv au renard emblématique, verte et dorée, et petit mot sympathique de Yann. Les livres de pâtissiers aiguisent instantanément ma gourmandise. Car j’entrevois à chaque fois la possibilité de faire, moi, de la grande pâtisserie. Juste en feuilletant les pages, on s’y voit.
Pour qui est régulièrement passé chez Couvreur, ce livre passe, belle mise en page et photos à l’appui, tous les (déjà) classiques de cette jeune maison : l’écrin irish-noisette, le baba au riz au lait, la panoplie d’éclairs, le granola et les tartelettes aux fraises. Sauf que voilà, on commence à lire les recettes et l’enthousiasme tombe avec la complexité des techniques – sous vide, inserts, poudres anticipées de 4h de séchage, basse température, pistolet à air comprimé – et la rareté des ingrédients – shiso, grué de cacao, café Sidamo, pâte de marrons, sirop de glucose, sirop de pomme, etc.
On tente néanmoins l’impossible: dernières figues oblige, la tarte aux figues, noix et shiso. Pas moins de 4 étapes, démarrage la veille, 2 crèmes, 1 marmelade, . Le crémeux shizo s’avère d’intéressante saveur, la tarte plutôt réussie. Puis un dimanche de froid, on inaugure la saison des citrons feuille avec les madeleines au citron bio. La complexité de cette madeleine (à démarrer la veille) ne jalouse en rien la simplicité des classiques. Deux recettes, les deux fois, les proportions sont disproportionnées: trop de confit de citron ici, beaucoup de crémeux là …
L’espoir retombe, on ferme le livre mission impossible et on retourne à Felder. On se dit que la maison d’édition s’est faite plaisir et que l’ouvrage est à ranger parmi les « infaisables ». Frustrée, légèrement agacée, j’ai néanmoins voulu comprendre la démarche de l’éditeur à faire paraitre un nième bouquin inutile. Voilà son explication, convaincante d’un point de vue d’éditeur. Pas complètement d’un point de vue lecteur …Comment est née »la pâtisserie de Yann Couvreur »?
Didier Ferat (Directeur éditorial cuisine et tourisme chez Solar) : de la manière la plus simple. Je connaissais la pâtisserie dont j’aimais beaucoup les gâteaux, à la fois très sophistiqués en goût mais demeurant dans une certaine tradition modernisée. J’ai donc proposé à Yann de faire un ivre qui ressemble à sa boutique, un livre à son image : à la fois sophistiqué dans la mise en page et la fabrication et à la fois rempli des diverses recettes correspondant au rythme de sa boutique. Pour moi, il est très important de faire des livre qui ressemblent au chef. Demander du très facile à quelqu‘un qui fait du très sophistiqué, ça brouille les pistes et ça n’est pas sincère.
Yann Couvreur, de quel livre lui avait-il envie?
De faire un livre tout court déjà (il est fils de libraire) et d’un livre qui lui ressemble. Il voulait s’adresser au grand public avec de quelque chose qui reste même si les recettes peuvent changer. Il voulait aussi un objet de com avec son identité visuelle (le renard) qui est forte.
Vue la sophistication de ses pâtisseries, vous preniez le risque de recettes infaisables
Il y en a de très faciles (le clafoutis par exemple) – on a même un chapitre recettes faciles – et d’autres plus compliquées. On a un public très divers. Certains aiment les recettes faciles, d’autres les défis. Et là, il y a les 2. Et de toutes façons, les gens font toujours peu de recettes par rapport au nombre proposé. L’idée ici, c’est de mixer les deux.
Quelle est l’utilité d’un livre dont on ne peut pas réaliser les recettes?
C’est un choix de l’auteur. Yann n’a pas voulu simplifier. Bien souvent, les grands pâtissiers ne veulent pas s’affadir par une pâtisserie simplifiée; pour eux, c’est un peu se trahir. Soit les recettes de Couvreur sont faciles mais ça ne lui ressemble pas et c’est juste un geste commercial. Soit on restitue sa complexité. Avec Yann Couvreur, on a accepté ce côté virtuose.
Ensuite, on ne fait pas des livres que strictement utiles. On fait partager des talents même si ça n’est pas facile de se coller en cuisine. Les gens les achètent car c’est un petit morceau de l’âme de la personne et c’est joli à feuilleter. dans la concurrence avec internet, le livre devient également une manière de réenchanter la cuisine. La magie du livre objet..
Un livre est aussi là pour véhiculer une image?
Oui, c’est un positionnement. Dans sa boutique, Yann a joué l’aspect de proximité, on le voit souvent là. C’était important pour lui de se repositionner. Le fait qu’il soit si proche du public ne veut pas dire qu’il joue la facilité dans ses recettes. Il avait la volonté d’amener les gens vers une pâtisserie plus exigeante, celle des desserts à l’assiette qui était son identité de départ au Prince de Galles. A contrario, Pierre Gagnaire - a fait un livre audacieux mais hyper accessible. Peut être que lui avait besoin plutôt de redescendre de son olympe.
Un premier livre, c’est aussi une signature?
Oui, effectivement, c’est le premier livre de Yann Couvreur. Peut-être sera-t-il différent pour les prochains. Ici, il y a une préface de Pierre Hermé, préface Dominique Ansel, beau livre élégant, etc.
On a du mal à croire que l’on réussisse aussi bien Millefeuille
En tout cas toutes ses recettes sont bien celles qu’il utilise, il n’y a aucune tricherie. Et pour les photos, on n’a pas mis de mousse à raser pour faire la chantilly.
Pourquoi alors ne pas avoir carrément pris le parti de l’infaisable avec un vrai « beau livre »?
On voulait rester sur un prix relativement abordable (29€). Encore une fois, on est sur un entre deux, du facile et du complexe.
Comment se fait un livre de recettes? Vous les essayez?
Aucun éditeur ne passe derrière un chef pour voir si ses recettes fonctionnent. Les chefs prennent eux même le risque. On leur fait confiance. Et puis 80 recettes à refaire faire, c’est cher. On ne peut pas faire livres que des livres à 70€.
Sinon, il y a des schémas variés: parfois, certaines personnes essaient quelques recettes et le styliste aussi, quand ça n’est pas l’auteur qui fait lui même les recettes pour le shooting. Mais d’une façon générale, tous ceux qui relisent le font avec un regard aguerri de relecteur-cuisinier (pour voir la cohérence des temps de cuisson ou des grammages).
La pâtisserie de Yann Couvreur. Yann Couvreur. Solar. nov 17. 29€