La Chèvre d’Or: la Riviera revisitée
Eprise de jeune cuisine, j’aurais plutôt tendance à fuir la Côte d’Azur, classée à mes yeux « vieille cuisine ». Ce serait dommage. La Riviera recèle quelques perles culinaires à coté desquelles il serait dommage de passer. De Colagreco à Passedat en passant par « feu » Maximin, de belles références qui ont un autre regard sur cette côte ultra touristique. A cet égard, il faudrait donc s’arrêter, mieux, séjourner!, dans le mythique établissement multi étoilé de l’extraordinaire village d’Eze. Véritable promenade culinaro-paysagère, la Chèvre d’Or surfe sur le mythe pour écrire une nouvelle page. Ca vaut le détour non seulement pour plonger dans l’histoire de cet hôtel construit dans les maisons du village mais désormais, surtout, pour y découvrir la cuisine d’Arnaud Faye. La direction a effectivement débauché là l’été dernier un jeune chef, passé par l’Alsace (l’Arnsbourg à Baarenthal, le Buerehiesel d’Antoine Westermann), Paris (Ritz, Mandarin) et Chantilly, pour dépoussiérer l’image Brigitte Bardot de l’établissement.
En toute intelligence, Arnaud a en un an chamboulé la carte. Tout en gardant les codes du luxe, requis à l’international, mais en puisant dans les racines de l’identité locale. Dans son genre à lui, un peu à la façon d’un Franck Cerutti au Louis XV à Monaco, clairvoyant et pertinent. Dès qu’il a 5 mn, Arnaud source et rencontre de petits producteurs: l’huile d’olive voisine de Lessatini, les fleurs comestibles d’Eve à Menton, du lapin de Sospel qui lui sont livrés à pied, dans ce village dont l’architecture escarpée bannit la voiture. Le Comté Niçois, boosté sous les étoiles, prend ainsi soudain toute sa splendeur. Celle d’une « cuisine solaire, minérale et marine,aromatique et végétale« .
Et quand le rural passe à l’atelier haute couture, ça donne, dès les amuses, des jeux chics avec pan bagnat travaillé, socca ultra raffinée et pistou sur glace. Jusqu’à la porcelaine de Monaco (la même d’ailleurs qu’au Louis XV), le chef puise dans les riches ressources locales pour exprimer sa créativité. Comme Ducasse a osé la lentille pour les Qataris, le chef n’hésite pas à balancer aux amateurs de yatch, du pois chiche (avec un magnifique gamberoni et calamar à l’anis sur coulis iodé). Divisée en catégories bien parlantes (« du sol, des flots, de chair »), la carte s’épanouit entre fleurs de courgette aux girolles et abricots moelleux avec polenta à la verveine (69€), poularde cuite dans l’argile de Vallauris (89€) et pagre au jus de tomate rôtie (92€). Contre toute attente, le plat le plus populaire de la Chèvre d’Or est un lapin au poulpe fumé farci aux blette et morilles. Les russes en raffolent, les ricains en sont dingues. Comme quoi…
Hors gastro, qui avouons le, n’a rien oublié des prix Côte d’Azur (145€ au déjeuner), Arnaud a également pris en main toutes les cuisines de la maison. Le restaurant Eden, le petit déjeuner (qu’il faudra absolument rajouter à ma rubrique petits déjeuners d’hôtels, catégorie palaces) et surtout le Café du jardin. Ouvert uniquement le midi, on y mange à prix plus abordable des pizzas Michelin (travaillées par le chef avec un champion du monde de pizza), avec la plus belle vue sur la cote d’Azur de toute la Côte d’Azur!!!