Polonaise : ma 1ère fois
Quand tu es à la pâtisserie et que la personne devant toi, physique genre j’aime vraiment les gâteaux, s’extasie 5mn devant ce gâteau qu’elle n’a jamais mangé ailleurs aussi bon, que la vendeuse propose de lui arroser encore un peu de rhum, tu regardes cette grosse boule d’amandes autrement. Et quand tu ne peux pas t’empêcher de demander « la même chose »! Et voilà donc comment au dessert tu te retrouves à devoir te taper une Polonaise!!!! Gâteau « oublié bien gourmand« , comme dit Mercotte, né pour recycler les veilles brioches invendues. Car cette boule de brioche fourrée à la crème pâtissière et fruits confits couverte de meringue italienne et d’amandes effilées n’aurait pu voir le jour sans un autre but que lucratif! C’est ce qu’on appelle
La première bouche tombe sur du croustillant. C’est blanc et sucré et ça s’accroche à la brioche. Une fine sphère de meringue entoure la boule de brioche comme des photo météores autour du soleil. C’est le Mystère inversé: la surprise est à l’extérieur, pas à l’intérieur. Et cette sensation inédite et étonnante d’aussitôt mêler croustillant + croustillant : meringue + amandes effilées qui ont été disposées tout autour de la sphère, légèrement toastées, en quantité pléthorique. Ce mélange plus plus qui m’a toujours fait fuir les Jésuites. Puis vient le mou + mou: la brioche, à peine sèche sur un tout petit bord, est bien humide en son milieu, mouillée délibérément par une crème pâtissière savamment dosée au rhum. Une caverne à pudding remplie de dés de fruits confits roses et verts pâles, très fermes. La mâche croque à nouveau avant de se perdre dans une mollesse confortable. « Il y a 2 écoles » m’apprend l’esthète Sébastien Gaudard qui en vend pas mal dans les quartiers chics, « celles des fruits confits + kirsch et celles des raisons + rhum, dont je suis« . On prend soudain conscience de pourquoi le mot papilles est pluriel. Les dents, la langue, la glande sublinguale, la glande sous maxillaire, le voile du palais, tout le monde en prend plein la gueule! C’est l’invasion totale et sans ménagement. C’est mou, croquant, fondant, croustifondant, fondant croustillant.
La cerise confite finit par choir dans mon assiette. Comme un insecte inerte, je n’ose y toucher. Des amandes lui sont toutes collées. Rajouter du sucre encore???? Et pourtant, la cerise sur le gâteau ne doit pas être là par hasard. Je croque. Le petit after Eight de Mr Creosote de trop. Je stoppe tout. Et m’interroge: ce gâteau plus que confort rencontre-t-il un public à l’heure du sans gluten, sans sucre, sans gros bide, sans alcool. Apparemment oui, toujours.
« C’est un gâteau traditionnel qui plait beaucoup. Il y a une clientèle pour ça, celle qui a connu les années 70. ok, c‘est pas des jeunots« , révèle Sébastien Gaudard « on assouvit un fantasme. Mais les jeunes amateurs en recherche de nostalgie, d »authenticité, de souvenir, l’aiment aussi. Paradoxe absolu, aussi raffiné qu’il soit, Gaudard produit aujourd’hui même des brioches exprès car « il se vend plus de Polonaises qu’il ne nous reste de brioches« . Et les propose individuelles mais aussi pour 4,6,8 personnes.
A bien y réfléchir, après digestion légère, je ne saurais trop conseiller la version individuelle. Car il faut ressentir ce plaisir pervers de la saturation pour apprécier pleinement la Polonaise. Vue la taille du bébé, on pourrait être tenté de partager cette créature pâtissière. Je déconseille néanmoins de se laisser aller à cette facilité. Il faut la subir jusqu’aux dernières miettes pour en découvrir son plaisir. Mais il faut manger une Polonaise une fois dans sa vie! Néanmoins, je sens que ce « gâteau chose » doit être très bien fait ou ne pas être fait. Comme l’amour la première fois, il faut parfaitement choisir finement son pâtissier sur ce coup là au risque de passer à côté et de ne garder qu’un fade souvenir d’un moment qui aurait pu être merveilleux.
La Polonaise décrite si dessus fut celle de Francj et marie Noëlle Martel, au Moulin Gourmet. Oléron