La Cigale : on crie famine
Il est 22hà Nantes. On a trop trainé à l’apéro du Bateau Lavoir. Donne moi la main, il pleut sur Nantes… et on n’a pas mangé.Pour ce soir, j’hésitais : le risque de la Cigale, grande brasserie du siècle avant le dernier , décor grandiose, alloyau et beurre blanc, tout le tintouin jusqu’à minuit pétantes…. Ou bien Pickles, tenu par un ex d’Inaki et de Choukroun… Ca me sidère : il y’a encore des élèves de la Cuisine en Liberté qui trainent devant les fourneaux. Mais comme la moitié de Nantes, Pickles est en vacances. Pickles tombe à l’eau, qui est-ce qui reste? Il va falloir partir à l’assaut de la Cigale qui ayant chanté tout l’été risque à cette date le surmenage. Bingo.
22h30 arrivée dans ces lieux historiques. C’est presque plein ! Grands parents et petite fille, vieux couples d’amis qui vont bientôt entamer leur promenade digestive, 4 autres qui rentrent de la terrasse siroter un cognac, petit couple homo propre sur lui…. 22h33, un serveur nous demande si on a réservé. Comme non, il va prévenir son directeur. 22h37, le serveur boit un liquide rosé au bar et on poireaute toujours debout. L’on doit croire que nous sommes sur le départ. Un 2è serveur plus alerte nous demande pourquoi on est là, si on s’occupe de nous … 22h38, le dit directeur finit par arriver et nous colle à la première table, celle 2 coincée entre 2 angles morts (une autre avec banquette est dressée). Bien gentilles, pas bouger ! On a désormais les cartes en main. Attente de 10 mn supplémentaires sous l’œil hyper noir du serveur au verre rosé (j’ai cafeté auprès du directeur !). Bah, c’est pas faute d’avoir été prévenue : Tripadvisor est farci de mécontents de ce service interminable voire déplorable. Mais j’avais envie d’essayer. Elevée à Bofinger et au Train Bleu par un père historien, gourmand qui n’a découvert la jeune cuisine qu’avec sa fille, j’adore ces decorum de vieilles brasseries. Envie aussi d’une aile de raie au beurre blanc et de découvrir cette muscadothèque annoncée. Pas de bol, la raie en version sauce tomate, remplace la queue de lotte du jour et en fait de muscadothèque, on a le choix entre 8 Muscadet (dont l’excellent Amphibolite à prix raisonnable, 24€). Comme tout cela n’est qu’en 75cl, je me rabats sur un risky verre de Côtes de Thongue annoncé« rond et sec » par le directeur, un concept qui m’intrigue grandement !
22h50, la commande part, le pain beurre de Bellevaire arrive. « Drôle de couteau », remarque ma fille devant cet instrument rond et démesuré. Je lui ai expliqué les classiques de brasserie – non il n’y a pas de gnocchi – et la belle a osé le tartare coupé au couteau « et ses pommes grenailles ». La chose arrive (19€)! Un tas de morceaux de différentes tonalités, du rouge tendre au vermillon foncé avec quelques pics hirsutes fossilisés dans ce moulage au cercle… Je lève les yeux au ciel. Les moulures des murs ont elles aussi perdu une partie de leur superbe. Le beau bleu de la faïence s’est écaillé comme une vieille tortue, les boiseries ont vécu 2 siècles. La moquette bleu roi en a vu passer du notable !!! Me revoilà dans les patates : froides et sèches ! Ma fille me sachant tendue comme un string s’est cachée sous la table en me soutenant que si si elles sont très bonnes, c’est pas la peine de les renvoyer… La raie se pointe (17€): pas marquée mais pas trop cuite (bon point!). Pas parée non plus (mauvais point). L’immaculée des grands fonds sera pour une prochaine fois.
La carte des desserts ??? Coupes, tartes citrons et inévitables profiteroles ont tournoyé autour de nous puisqu’arrivées à l’heure où la province se couche. Les grands classiques, c’est souvent ce qui sauve ces lieux qui à défaut d’investir dans les murs foisonnent dans la chantilly. Et les amateurs de gastronomie classique aiment le sucré, c’est inscrit ds le Patrimoine de l’Unesco. Deux bonnes raisons pour succomber au sucré. Et comme je suis accompagnée d’une petite moi de 12 ans, ce sera comme moi avant : profiteroles évidemment (9€)! Avec un grand ouah d’admiration pavlovien quand les 3 choux et le pot de chocolat fondu arrivent. 34 ans plus tard, j’ai perdu en spontanéité… Les choux semblent secs comme un cul de vieille. Ils sont à l’image des pommes grenailles: chewy et d’hier! La note arrive, prompte elle! “Ca a été?”, demande-t-on pour la forme. Heu comment te dire… “Non!”. « Ah bon, qu’est ce qui n’a pas été ???? » Mais, comme au jeu de 1 2 3 soleil, les sacs de linge sale ont avancé incidemment dans toute la salle comme pour nous signifier une envie pressante de cigarette de bière et de baskets, je dédie à la Cigale ces lignes qui laisseront à tous le temps de cloper. Bon à savoir: la brasserie propose un menu « initiation au goût » pour les moins de 12 ans…