Barcelone#3: c’est quoi du Suculent?

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Suculent c’est le Clamato de Barcelone. A la différence qu’en Espagne, ca paraît normal à tout le monde que l’on passe à table à 23h, à l’heure où nos restaus remercient d’avoir essayé de manger après le ciné. A la différence aussi que les tapas pour les Espagnols c’est un peu le jambon beurre pour les Français. Antonio Romero, un des enfants d’Adrià, arrive tout droit du Bulli. Tout jeune, il monte ce Suculent, dans le quartier du Raval, qui ne fait que dans l’excellent. « Une maison de nourriture de toute la vie ». Des tapas excellemment bien travaillés, raffinés et créatifs dans un cadre table en bois et peinture verte de pub.

suculent-adria-barcelone-tapasA croire donc – je m’adresse aux obtus qui stagnent à affirmer qu’Adrià ne s’est jamais intéressé aux produits, si ce n’est chimiques – qu’El Bulli n’a pas été meilleure école en Espagne pour la formation au basique. Parce qu’il suffit d’une huître et d’un petit jus vif, racé, quelques lamelles de cébette rouge (tiens, ca existe ?), 2 dés de tomates et le ceviche d’huître devient une bombe marine ! Dès les tapas de mises en bouche, le palais se trouve en confiance totale, rassuré, aiguisé! Suculent énonce pour commencer une carte de produits tout simplement : maquereaux marinés, brandade, asperge blanche. Et puis derrière tombe le talent du petit gars d’Adrià. Cette « case à manger » conseille de le faire lentement, de tremper le pain jusqu’à n’en plus laisser une goutte. Sepietas (mini supions) juteux, foie gras bien dosé avec poulpe, œufs de poisson volants à la moelle, etc. Les croquettes « à la queue de vieille vache » et champignons, coulantes sous une peau de friture juste croustillante sont impressionnantes de maitrise de goût et de texture. De loin, les meilleures que j’ai mangées à Barcelone.
Tout est bien dominé. Les têtes connues des politiques sortent d’une petite table bien planquée. L’adresse est réputée. Les essais sont faits à la taverne : juste à côté, le bistrot terrain d’essai de Suculent. Comme les grands chefs, Antonio Romero ne renie rien malgré sa modernité, des classiques, catalans & espagnols (j’ai mangé à ce propos cette semaine une géniale raie à la grenobloise à Clamato, la case à tapas de Bertrand Grebaut). Cap i Pota, artichauds mayo, morue & escargots, bacalao al pil pil*. «Des plats de toujours de la cuisine méditerranéenne mais avec des techniques actuelles qui nous permettent de rendre encore meilleur ce qui était déjà bon hier». C’est la grande leçon des Espagnols. A bon entendeur…

* Pour l’explication très précise: « Dans la terrine, faire revenir l’ail dans l’huile d’olive sur feu moyen. Une fois l’ail doré, on ajoute les piments. On réserve le tout puis on place les morceaux dans la terrine. La morue se cuit à feu doux environ 15 minutes en remuant de manière énergique et rotatoire. Ainsi, la gélatine de la morue est libérée. On ajoute ensuite petit à petit l’huile qui a servi à cuire l’ail et les piments, de manière à réaliser la sauce à la façon d’une mayonnaise (émulsion entre la gélatine et l’huile). Ainsi, on obtient la sauce caractéristique verte du bacalao al pil pil. L’onomatopée « pil-pil » viendrait du mouvement rotatif nécessaire à son élaboration ». Merci @ Christophe