mangue : avion ou bateau?
La mangue c’est comme les pastels de nata de Comme à Lisbonne: je suis passée des années à côté. Des années à regarder ces oranges exotiques tomber dans notre magnifique jardin de Yaoundé, autant de mon enfance malgache à ignorer ces jolis fruits orangés (j’ai fait pareil avec les litchis). Pour moi, la mangue c’était un peu le kaki exotique: une matière douçâtre, pas nette, un gluant ferme à l’effet pur sucre au mieux, au pire filandreux d’où des heures à nettoyer ses dents … Bref un fruit sans intérêt. Il m’a fallu attendre les Philippines, où j’ai passé des mois de reportage, pour tomber raide dingue de ce fruit. Comme je regrette depuis ces années perdues à l’ombre des manguiers! Jamais je n’ai retrouvé en France le goût de ces fruits mûrs à point, petits et à la chaire très fine ou gros, généreux et très sucrés. Madagascar en compte une variété incroyable, des orangées aux verts, des toutes petites excellentes à des grosses plus gourmandes. Quand la mangue commence, on en a pour des mois de dessert succulent! De grands moments à sucer la pulpe jusqu’au noyau à la légère finale amère. On s’amuse à la couper en grenade, en retournant le chapeau pour découvrir les carrés en 3D et après reste à savoir quel est le chanceux qui aura en plus le noyau…
On trouve en France de la mangue péruvienne qui se tient pas mal. Chez mon chinois de Noailles à Marseille, deux variétés de ces gros fruits un peu verts. Une à 1,8€ pièce l’autre à 9€ le kilo (soit 5€ pièce environ). Si vous demandez quelle est la différence on vous répondra « le prix », des fois que vous n’ayiez pas noté. La vraie différence est que l’une arrive par avion, l’autre par bateau. L’une donc cueillie complètement verte parce qu’à l’arrivée elle l’est toujours. L’autre, juste un peu plus mûre. J’ai fait l’expérience de goûter les deux : même si la différence de prix ne vaut pas forcément celle de qualité, la mangue avion reste indéniablement la meilleure, plus fine, mûre à point, la chaire ferme. La mangue bateau est plus aléatoire; il lui manque la fermeté et cette pointe d’acidité qui fait la qualité de ce fruit. Comme souvent en matière alimentaire, la différence de prix justifie bien celle de qualité. Je vous conseille vivement l’avion donc, à défaut de pouvoir en prendre un pour ces pays producteurs….