Voltaire: une table en or à Arles
Ca commençait un peu comme la pub d’Egoïste. On voyait sur les réseaux un hôtel tout carré et on imaginait plein de jolies pépettes ouvrant les volets et criant « égoïste! ». Renseignement pris, la jolie pépette se transforme en cuistots hypster joliment tatoués et hyper talentueux. Aux fenêtres de la cantine de ce nouvel hôtel qui saupoudre Arles d’ambiances terracotta & Californie, Tamir Nahmias et Or Michaeli, deux vieux potes d’Haifa qui jouent au chat et à la souris depuis qu’ils sont partis d’Israël. Ces « Yotam et Sami in Arlésie » (sauf que tous les 2 sont 100% made in Israël) se sont déjà pas mal croisés dans des restaus français et quand Tamir s’est vu proposer la cuisine de l’hôtel Voltaire, alors qu’il montait de son coté Adar, à Paris, il a mis de l’Or aux fourneaux. Tamir, nous on le connaissait bien à Marseille suite à sa résidence d’un mois à la Mercerie. Je me souviens d’une longue discussion autour du poulpe, son ingrédient fétiche. De cette jeune génération à l’exigence sur le produit et la créativité Tamir a une exigence. Tamir s’est aiguisé chez les meilleurs intransigeants du moment: Troisgros, l’Astrance, l’Agapé, Yam Tcha, Frenchie… La messe est dite.
Or a mis sont vélo et son matelas dans un camion et a débarqué à Arles fin février. Le Voltaire ouvrait en avril. « On a trouvé ça génial avec ma femme comme projet alors nous voilà ». Tamir ne vient que de temps en temps, faire des ajustements. Sur le terrain, c’est or qui commande. « On se parle quasiment tous les jours. L’amitié aidant, c’est très facile de travailler ensemble« . Ce midi là, une laitue, des haricots verts, des sardines, de l’agneau et de la verveine. 4 entrées 4 plats et on hésite déjà à vouloir tout goûter. Canicule oblige, va pour la « laitue, zaatar, ricotta salata, granola salé » et « agneau, tomates, maftoul » (ce blé rond en gros grains d’origine palestinienne). On ne rêverait pas mieux comme entrée par 40°: un énorme coeur de laitue coupé en deux, aérien, parsemé de graines et de mélange d’épices sec – chacun a sa recette de zaatar, celui-ci tend vers le thym, la menthe – et de ricotta râpée à la mandoline. C’est trop bon, joyeux et volatile. Le pain a été fait la veille (I’ve got the receipe guys ;-)), le yaourt est aussi maison et les vins tapent dans la nature: une bulle italienne extra dry, un Cazottes blanc au verre, une Terres Promises ou un Tout feu tout femme pour qui serait #metoo. L’agneau est façon kefta roulé en grosse saucisse pas trop serrée, juteux et posé sur des lamelles de très bonne tomate. C’est une cuisine des Méditerranée, domptée, habile et imaginative. Les chefs de produits ne veulent tellement plus rien dire que quand l’on tombe sur des cuistots qui assument pleinement leurs exigences, ils peuvent balancer une feuille de salade, cela devient un plat qui change tout. J’adore ce métier qui me fait m’extasier sur un coeur de laitue..!