Marseille : la pizza se meurt
Tu pars en vacances 8 jours et à ton retour, le drame! C’est dimanche soir et comme t’as roulé, tu te réfugies dans le plat facile: la pizza. T’appelles la pizzéria fétiche: la pizzéria St Jean. Pas de réponse. Ils sont sans doute débordés, c’est le retour des vacances. Tu te déplaces: fermée! Non seulement, t’as rien à manger mais tu sais que ça n’est pas normal. St Jean était en vacances il y a peu. Alors tu crains le pire: le pizzaïolo assez âgé est tombé malade, il y a eu pénurie de mozza, pollution à l’anchois, panne de tomate??? Lundi, tu as ta réponse. La devanture à moitié ouverte, des sacs de ciment, un pot de peinture bleue: la pizzéria St Jean a non seulement fermé, mais vendu. Sans annonce, sans prévenir, sans nous laisser le temps d’une dernière moit’moit’. Partis en nous laissant le seul souvenir d’une pâte croustillante et d’une sauce tomate justement aillée, du petit mot échangé à chaque fois sur l’histoire, la famille. La sensation du jamais plus ça. Ta grand mère qui meurt et qui te laissera à jamais l’idée d’une galette, ces restaus qui mettent la clé sous la porte, te laissant orphelin de déjeuners légendaires. D’un coup, l’esprit bascule dans l’imaginaire. « Avant, c’était mieux » et aucune pizza ne vaudra celle-là.
Ce four qui a nourri des milliers de bouche dans le quartier du Panier a été cassé. « Trop petit » m’assure le voisin repreneur – le Bobolivo - qui ouvrira la semaine prochaine une « pizzéria outdoor », comprenez à emporter mais aussi dans le restau. Le boss promet une formation chez un pizzaïolo italien. On pleure et on le garde à l’oeil. Car sur les 5 pizzérias alentour, la pizzéria St Jean était l’unique à savoir ce qu’était une pizza. Une vraie famille de siciliens, une génération de pizzaïolos (grand-père, fils + soeurs installées à Paris), une histoire tendre d’un père veuf, sorti du chagrin et épaulé in extremis par toutes ses filles pour sauver l’affaire – elles commandaient, il envoyait – mais surtout une pâte fine et croustillante, juste cramée par le feu de bois comme il fallait, des garnitures sympathiques, une fermeture à 21h30 qui nous menaçait toujours de frustration.
A l’heure où Noël est en arrêté de péril, Rodolphe en arrêté de nouveau projet, Vincent en arrêté de mort, on frise la catastrophe phocéenne. C’est un deuil local. Une culture qui fout le camp. La chute de l’OM à coté, c’est rien.