Entremets: back to the roots
C’était il y a 15 ans : en 2003, Luc Dubanchet et Laurent Séminel lançaient Omnivore, consacré au défrichage de la Jeune cuisine française et internationale. Un festival, une revue, un carnet route de 200 adresses. 2005, j’arrive dans Omnivore. Nous découvrons tous avec un appétit incroyable ce monde d’Adrià à Michel Bras, côtoyons l’ascension des Marx, l’installation des Inaki, l’arrivée des Gauthier. Grisant et fascinant. Mais la zad s’ouvre aux marques. La friche laisse place au business. 2009, Omnivore prend une autre direction. Divergences de points de vues oblige, Laurent Seminel fonde Menu Fretin: « maison, bureau, atelier d’édition« . 27 oct 2018: Seminel lance « Entremets, festival culinaire, culturel et débonnaire » car on s’en fout un peu de savoir qu’il faut 150g de farine. Ce qui importe « c’est pourquoi on met de la farine, et surtout quelle farine ? Nous affirmons que la cuisine est avant tout un fait culturel« . Entremets refait l’histoire, convoque des dizaines de chefs qui forment déjà l’ancienne génération, celle qui a fait la cuisine d’aujourd’hui, les Top chef, Masterchef, instafood et autre bistronomics.
A Chartres – siège de Menu Fretin et terreau – se reconstruit la ligue dissoute. Des Petit comme Laurent devenus très gros, des Jean-Luc Tartarin, pilier des années Omnivore au Havre, oublié des années foodisme, des talents bretons comme Jean-Marie Baudic, perdus pour la cause, des Philippe Hardy qui bien avant déjà avaient inventé la cuisine avec un casque sur les oreilles, des Benoit Bernard fourvoyés à Madagascar. Ces tout jeunes quinquas sont déjà les pères des trentenaires Grébaut, Marchand et autres Toutain.
Entre lundi et mardi, accompagnés d’historiens – l’incontournable Pascal Ory, mon ex prof d’histoire contemporaine! – de chroniqueurs, ils feront des bilans pour savoir s’il « existe une avant-garde culinaire ?”, se demanderont « où sont les femmes » ou « quelles différences entre gastro ou bistro« ? 36h de réflexions culturelles, d’échanges culinaires et de dégustations débonnaires. Cette symposie qui se déroule sur une seule scène succèdera aux événements en ville: un big brunch, une grande soupe, un banquet extérieur autour d’une cuisine à la braise. En fin de journée, les retrouvailles de l’essentiel des « Fou de France » autour d’Alain Ducasse – qui non, ne fera pas la cuisine! – sonnera le glas de cette époque libre, créative et très joyeuse. Cette quarantaine de chefs avait été invitée par Alain Ducasse à partir de 2003, à venir cuisiner dans son Plaza Athénée, le lundi avec un producteur de leur choix. On a vu défiler Eric Guérin, Nicolas Pourcheresse, Fabrice Biasolo, Alain Perrillat-Mercerot, Olivier Bellin et bien d’autres. On a raté hier le championnat du monde de pet-de-nonne mais on sera là demain pour cette plongée dans nos années collège.