Les passants du sans souci
Marseille is the new Brooklyn. C’est ce qu’on entend de plus en plus. D’aucuns viennent s’ installer dans cette ville libre où tout semble encore possible. Chacun touche à tout et on se dit que ça ira. On se dit qu’on a beau être spécialisé dans la prog musicale, on pourrait aussi bien écrire des menus. C’est ce que les Jardins Suspendus ont fait dans le Panier, en rouvrant une adresse place de Lorette qui n’a jamais fonctionné. A Marseille, on doit bien ouvrir une boite de nuit et ouvrir un restaurant en même temps, non? On peut s’inventer restaurateur, investisseur alors qu’on n’a jamais touché à la restauration. Juste avec un four à la papa, un réchaud, un frigo de ménage. On peut ouvrir sans déclarer le restau. Il suffit de prendre une chef pro en caution – Laettitia Visse en l’ocurrence, ex seconde aux Arlots – pour annoncer aux premiers clients : « nous on fait de la vraie cuisine« . On peut repeindre la façade d’un bleu pétard sans rien demander à personne. On peut embaucher des cuisiniers sans contrat (c’est pas comme si c’était un métier à risque la cuisine). On peut ouvrir le midi, le soir, et même non stop toute la journée avec 2 personnes en cuisine. On peut se balader en survêt dans son établissement et rien branler tandis que les jeunes au black lancent l’affaire. On peut commander un Bandol au verre. Mais boire d’office un Languedoc parce que « la bouteille de Bandol n’était pas ouverte et toutes façons le Languedoc est meilleur« . On peut commencer à manger mais sans pain, sans sel, sans poivre, sans eau, on vous dira toujours « y a pas de souci ». On peut ouvrir une affaire pour 5 mois seulement, mais ne pas être prêt à l’ouverture, ne pas avoir de machine à café, ne pas avoir monté son bar, être en déménagement dans la moitié de la salle, dire « on va, on va ». Y’a pas de souci. On peut vous assurer qu’on va faire des mojitos comme à Cuba, mais avec des fruits. On peut croire que ça va être la terrasse de l’été mais on peut aussi ne pas y aller. On peut surtout relire la baseline de ces passants du sans souci : « Réaliser ce qui est irréalisable« .
Je crois que non, même à Marseille on ne peut pas tout se permettre. Et c’est parce que les choses se font toujours à demi que cette vielle reste moitié moitié! La chef, Leatitia Visse a d’ailleurs pris son Thermomix et son couteau et dit au-revoir. S’il n’y a pas de souci pour la team des Jardins, il me semble quand même qu’il y a un gros souci !