Les funky crazy du rosé corse
Si t’es pas en Corse cet été, t’as raté ta vie! Sauf si t’as du rosé dans ton verre! Car qui ne fait pas son pèlerinage sur l’Ile de Beauté, y posera au moins ses lèvres. Avec 120 caves, 4 coopératives, 8 680 km2, difficile de passer à coté des 370 000 hl, dont 70% de rosés, produits par la Corse. Et il n’est pas besoin d’être sur place pour découvrir l’appellation: 70% des volumes des vins de Corse sont exportés dont 40% sur le continent, pour les gens comme moi qui n’iront pas en Corse d’ici septembre. Depuis quelques années, l’appellation a fait de sérieux efforts pour la diversification et le travail de la couleur rose. « On sait faire les rosés« , avance Laetitia Tola du Clos Ornasca qui n’aime pas les rosés vineux – « je trouve ça ennuyeux » – leur préférant des « rosés gourmands » issus du cépage sciaccarello. Des orangés aux quartz, le pantone corsica s’étire entre vins de plaisir, frais et agrumés et rosés de garde corpulents.
« On boit des 2012« , certifie fièrement Gérard Courrèges du domaine de Vaccelli qui restructure depuis 1974 le domaine familial avec des cépages insulaires. Sa cave, en partie enfouie sous le granit, recèle des vins, peu colorés, élégants et fins, exceptionnels, dont certains issus de sélections parcellaires. « On peut faire de grands rosés« , affirme Gérard Courrèges, « pas des rosés de plage fruités » mais des bouteilles à prix élevés qui ont permis « de faire comprendre que le rosé, c’est du vin« . Situé tout à la limite de l’appellation sud, ce domaine à part revendique une marginalité par rapport au rosé de soif vendu sur 4 mois sur l’Ile, une autre façon de faire qui lui permet de sortir ses rosés à contre courant, en septembre avec des millésimes… « C’est crazy« , reconnait le vigneron.
Crazy, Laurent Costa le fut un peu en lâchant son Alsace natale pour venir cultiver le maquis avec une réelle éthique jusqu’à en tomber amoureux. Ce vigneron à la personnalité hors du commun s’évertue à replanter des cépages endémiques sans savoir si ses enfants reprendront un jour son travail. 10 petits hectares hectares en bio, situés à 15 mn d’Ajaccio, travaillés en OVNI sur ce territoire qui sourit encore trop au conventionnel. Le domaine A Peraccia, « qui n’aime pas le rosé » sort du coup, entre autres, des rosés de saignée vraiment racés, toutes les années différents. Autre caractère, même biologie, un peu plus au nord, du côté de Sartène, la rencontre avec le rosé du domaine Domaine Pero Longo (retrouvé récemment à la table du Pré Verre) élevé sans levurage, en cuves béton ovoïdes couchées. Un Harmonie biodynamique, ample et minéral, qui porte bien bien son nom laisse de beaux souvenirs en bouche.
« Le rosé a pris une telle place et il y a eu tellement de merde« , revendique de son côté Pascal Albertini du Clos Alzeto que nous « on cherche à travailler les vignes dans un souci des équilibres naturels. On essaie de chercher le physique plus que le chimique ». Son Ufrecu « fun & funky » navigue entre rouge et rosé, un « rouge frais » qui veut répondre aujourd’hui répondre à la chute du marché des rosés historiques, fruités et faciles.
Plutôt que d’aller encore lézarder à la plage, on aura donc tout intérêt à mettre à profit ces moments estivaux de farniente pour aller fouiller le terroir et y trouver de petites perles à mettre sur table. D’autant que certains domaines, entre mer et montagne, pratiquent la table d’hôte en pleine vigne avec l’assurance, une fois n’est pas coutume, d’y déguster quelques pépites bien cachées de vraie charcuterie corse. Double effet kiss cool de la balade dans les vignes: petit territoire français exceptionnel, la Corse reste exemptée de taxe sur la circulation du vin. On a donc tout avantage à remplir sur place sa cave du continent avec des vins funky crazy insoumis à la TVA.