Nuit des rois: nuit des zombies
Ne me demandez pas pourquoi: les gens du sud, sûrement parce qu’ils ne veulent pas faire comme ceux de Paris, ont décidé d’avoir leur galette des rois à eux. Et si la galette feuilletée reste le cauchemar des boulangers, le gâteau des rois, c’est leur nuit des zombies! Car le gâteau des rois est une sorte de pâte à brioche qu’il faut malaxer, bichonner, façonner, tenir au froid, lever au chaud, regarder tendrement, observer avec empathie, manier avec sympathie…
A la Maison St Honoré, la nuit et le jour, on fait non seulement des kilos de plein de pains différents mais aussi des galettes frangipane, et en plus des gâteaux des rois maison. Le job commence dans la matinée. En même temps qu’on lance les pâtes à pains qui seront cuites dans la nuit, on lance la pâte à rois : une pâte à brioche mais avec de l’eau (qui fait que contrairement à la brioche, le gâteau des rois sèche moins vite), énormément de zestes d’oranges et de citrons (100g pour 1 kg de farine) et surtout pas de rhum qui rétrécit la brioche à la cuisson. Petit conseil de pro pour ceux qui voudraient s’essayer à la maison: pas trop de malaxage dans le robot qui risque de chauffer la pâte, juste qu’elle se décolle du bord. Le reste, c’est le froid qui fait. On colle ainsi, presque pour 24h, la pâte au froid dans de grands bacs. Et on va se coucher.
Retour au fournil dans la nuit. Vers 2h du matin, le frais boulanger sort son bac du froid et divise sa pâte en pâtons, pesés un par un, roulés en petite boule sous la paume de la main, un par un. Puis repos à température ambiante, 2h. A 4h du matin, reprise de chaque petite boule et façonnage, à la main.
L’idée est alors de planter son coude au milieu de la boule un peu aplatie pour former le pré trou de la couronne puis de terminer la forme en tournant la pâte dans ses mains comme une …. couronne des rois. On cache 2 fèves (comme pour l’autre galette) dans chaque couronne puis re repos, 2h. Juste avant cuisson, dorure puis au four, 20 mn.
Et là, vers 6h du matin, commence le long long chemin de croix du boulanger: la garniture. On badigeonne d’abord légèrement la bête de sirop puis on saupoudre de sucre grains (parce que la rouler dans la boite – facile! – , ça collerait tous les grains avec le sirop!- difficile !). Puis comme la maison st Honoré adore se casser le c… , elle a eu la bonne idée de sélectionner cette année les excellentes aiguillettes citron, pamplemousse, orange de la maison Lilamand, spécialisée à St Rémy de Provence. Et quand au petit jour on se met (toute l’équipe s’y colle, et pas que pour la photo de BfM) à disposer trois par trois (fois 7 ou 8) ces gourmands petits segments tout collants en cercle sur les 70 galettes sans se tromper dans l’alternance – jaune, orange, jaune, rose, jaune, orange, etc – on comprend soudainement pourquoi la plupart des boulangeries balancent eux de gros morceaux de fruits confits esthétiques qui prennent toute la place sur leurs galettes. Ça habille, vite faire bien fait mais ça n’a aucun gout vu le prix de l’angélique entière! Et pour des raisons évidentes de coût (40€/kg la galette Pierre Ragot), pas possible ici de faire du fruit Lilamand entier.
7h, les livraisons partent, la boutique ouvre, et c’est bientôt l’hystérie parmi les nostalgiques de la royauté. Rassurez-vous, la maison St Honoré travaille ainsi tout le mois de janvier.