Le café, l’évidence Gagnaire
Comme tous les premiers dimanches du mois, les musées marseillais sont gratuits. Profitez de l’occasion pur aller voir Café In au Mucem. A défaut d’un titre pertinent et d’une scénographie originale, cette exposition livre quelques histoires inédites sur cette boisson qui « fait jaillir les esprits moteurs« , disait Brillat Savarin. Le café est ici passé par tous les filtres. L’inévitable Couleur Café de Gainsbourg (on aurait pu faire plus original) comme les dires d’une cafédomancienne lisant dans le marc! On ressort quelque peu boosté par ce tout ce matériau scientifique, anthropologique, esthétique, économique qui tourne tout autour du ptit noir.
On apprend ainsi dans cette exposition mise en scène par le journaliste de France Culture, Jean-Michel Djian, un objet de subversion non seulement des sens mais surtout politique. Le « sang de Satan » découvert au Yémen, fut interdit au 16è s à Istanbul où le pouvoir central craignait que ce « torréfiant intérieur » ne pousse qu’ à la contestation. « Beaucoup de gens accordent au café le pouvoir de donner de l’esprit« , confirme Balzac. « Mais tout le monde peut vérifier que les ennuyeux ennuient davantage après en avoir pris« … A Venise, le Pape le réhabilita pour amoindrir le pouvoir des musulmans. A Marseille, on ouvrit le premier débit en 1671 puis le premier café public. Inutile de chercher traces de « ces endroits qui y échauffent fâcheusement la cervelle« , comme les qualifiait Montesquieu. Du Grand Café turc ou du Café riche sur la Canebière, il ne reste dans la cité qui fut la porte d’entrée du café sur l’Europe, plus que Cafés Richard qui martyrisent nos estomacs.
Il faut attendre la fin de l’expo et une émouvante interview de Pierre Gagnaire, qui nous servit aux Grandes Tables le même discours et une bonne recette de pamplemousse au café, pour rentrer dans le goût et les sens de cette boisson qui forme pour le chef « un support tellement intéressant, 1′ espèce d’évidence « . On regrettera de croiser des tasses à café Illy plutôt que d’opulents services en porcelaine fine et dorure dont les arts de la table français en doivent pas manquer… Si ça n’est aujourd’hui, vous avez jusqu’au 23 janv pour voir entrer dans Cafe In. Le marc de café nous prédira plutôt des souvenirs du côté des écrits des grands écrivains que de cette mise en scène un peu pathétique, in fine, d’un café années 30. Passez par la boutique de la passerelle en sortant : le sponsor de l’expo y fait aussi commerce. Mais les cafés présentés sont bons et le conseiller connaisseur. Et si comme Curnonsky et moi, vous considérez que « les fines gourmettes reconnaissent qu’il est un des plaisirs les plus délicats de la femme« , voilà le plus de cette exposition café. Dans cette ville où les torréfacteurs sont autant légendes que la sardine qui a bouché le port, on n’est pas fâché de ce spot éphémère de qualité.
Cafe In. Jusqu’au 23 janv 2017 au Mucem