L’Australie vous invite à diner
Après avoir déclaré l’Osteria Francescana meilleur restau du monde, les 50 Best 2016, délocalisés pour la 1ère fois hors de leur fief anglais, ont désigné Melbourne comme prochaine ville d’accueil de la cérémonie 2017. En une soirée, voilà donc l’Australie entrée dans les destinations food qui comptent sur la planète.
Or si l’on sait tous que l’on y mange du kangourou, l’identité surf & food paraît, vue d’ici, un peu plus floue. A défaut d’y avoir mis les pieds, les témoignages recueillis confirment mon sentiment : les 50 Best viennent bel et bien d’adouber une destination qui n’est pas si loin du zéro cuisine. Très métissé parce qu’ issu de migrations successives tant chinoises qu’ anglo saxonnes, le style australien est « une espèce de bric à brac », résume un anonyme (c’est obligatoire) du jury français. « C’est un peu bricolé, genre 3è main resucée de resucée ». Pour Léon, jeune cuistot qui a préféré Sydney aux Toutain, Grébaut et Inaki qui l’ont formé, « l’Australie, très bon spot niveau bouffe, est un grand mix de toutes les cuisines ». « J’aurais du mal à identifier ce qu’est la bouffe australienne », corrobore Arnaud Moreau un ex du Fooding qui ouvrira son Panini en septembre, « si j’ai pris une grosse claque à Attica, et si les notions de service et de café ne sont pas fake, je retiens surtout des lieux, des ambiances ou de concepts ». De cuisine donc point. D’aucuns s’accordent sur une tendance coffee shops très marquée mais on a rarement lu de grandes innovations culinaires dans le marc de café.
Athlétique en café latte, l’Australie rame un peu plus coté gastros. De rares têtes d’affiche bloquent le quota des 50 Best. Mais en dehors des Attica de Ben Shewry et Dan Hunter qui ont une résonance internationale, point de salut. « On a l’impression qu’ils essaient de raccrocher les wagons », se désespère notre jury anonyme. Effectivement, l’Australie marque sa volonté politique d’envoyer des signaux de la taille d’un phare pour promouvoir sa destination à l’international via la cuisine. A travers la promotion gastronomique et œnologique, et de gros évènements tels que « Invite the world to diner » où influenceurs, experts en gastronomie et industrie du restaurant ont été conviés, Restaurants Australia a balancé du lourd pour attirer l’attention sur l’île. Elle a d’abord tapé un grand coup en faisant déménager l’an dernier l’équipe du Noma à Sydney. L’écho fut planétaire pour ce pop up de plusieurs mois rempli en l’espace de 5mn après ouverture des résas. Couronné par le déménagement de Noma, le programme financé par les différents Etats australiens et chapeauté par Tourism Australia, a cartonné en terme de communication. Sous couvert de vaste opération immobilière pour la promo d’un nouveau quartier à Sydney, Noma a investi une nouvelle friche en développement et donné un blanc seing au promoteur du nouveau casino australien. Invité à farfouiller le territoire, René Redzepi a redonné son identité au territoire. Le travail de défrichage du N°1 mondial à coup de cueilleur musclé et tatoué et de plats … a suscité un intérêt soudain pour les ressources aborigènes existantes mais peu mises en valeur.
Résultat de la campagne, ça cartonne : l’Australie est entrée dans les 50 best où Attica, plafonne à la 32è-33è place depuis plusieurs années (devant Brae de l’ex Second de Mugaritz, 65è, et Quay 98è), Michelin sort son premier guide vert pour la fin de l’année (et un rouge est à l’étude) ; itou du Petit futé, Nomade son 1er sur Melbourne et le Routard est revenu. Le terrain se prépare depuis une dizaine d’année. La scène gastro s’internationalise. Sous l’impulsion du Melbourne Food Festival ou autres Omnivore World Tour, les allers retours de pointures européennes, américains, asiatiques ou latines américaines, ouvrent les esprits. 2016 Redzepi, 2015 Heston Blumenthal au casino de Melbourne, 2017 ? Nouvelle scène culinaire émergente, l’Australie s’enorgueillit en plus d’un « vignoble – la Barossa Valley – les plus beaux du monde », affirme Sihame Haddane, PR parisienne de Tourism Australia. Les ressources australiennes sont nombreuses, la conscience écolo bine ancrée, même si l’on sa ballade beaucoup en 4*4…
« Ca bouge pas mal, la food devient un vrai produit touristique et l’oenotourisme se développe très fort, même si, malheureusement plus dans le style Napa avec de grands groupes dominants », confirme Gilles Lapalus, vigneron français installé sur place. Son Maidenii, un vermouth made in Australia qui a remporté le prix du meilleur apéro au salon Cocktails Spirits 2015, connaît d’ailleurs un réel succès hors frontière. « Les chefs sont tous dans un processus d’innovation », réaffirme Sihame Haddane, « la gastronomie australienne, s’inspirant d’éléments natifs, est en cours de définition ». Sydney parce que capitale, Melbourne car épicentre culinaire, et bientôt Adelaïde, nouveau spot à pointer ses casseroles. La vente de 12 sous marins français par DCNS à l’Australie tombe à point nommé : l’arrivée en masse d’expats français, va sans aucun doute centraliser une nouvelle attention sur la destination…