Qui l’eut cru?
C’est le feu qui a inventé la cuisine. Avant, on rongeait les os et on suçait des racines… Du coup, quand on pousse la porte de Raw on se dit qu’on a bien fait de mettre ses sandales en peau de bête. Si on vire les fourneaux et qu’on balance la gazinière, que reste-t-il? D’abord un lieu charmant, beau papier peint et petits miroirs (Raw est le petit frère de Will), et bien plus ouvert qu’une grotte! Grandes baies vitrées sur la rue de Turenne, et même une petite terrasse très utile depuis qu’il s’est décidé à faire caniculaire. Ensuite, une carte qu’on a envie de dévorer toute crue. Tartare, carpaccio, ceviche, tataki, gaspacho, ils sont tous là. Des légumes, du poisson, de la viande, émincés, slicés et … cuisinés. Derrière, de jolies préparations de thon à la tahitienne (14,5€), de veau au condiment sésame de caractère (12,5€) ou de crevettes transparentes Obsiblue aux petits pois frais (tout crus eux aussi) et une vinaigrette curcuma pomme verte. Le plat dépote bien plus que n’importe quelle cuisson. Le gaspacho lui n’est plus rouge sang mais dans un registre estival, aux concombre ananas gingembre. Les plats sont beaux et bons, à l’image de cette assiette noire et rose de betterave anguille fumée et émulsion de sésame noir (14€) qui emporte tout sur son passage. Un petit bémol sur le tartare, ponctué d’une crème de truffe trop généreuse à mon goût. On nous emmène à cru à travers tous les continents et ce petit voyage au déjeuner, les fesses sur une banquette moelleuse, est bien agréable, d’autant qu’accompagné de vins natures bien choisis. Le propriétaire des lieux, William Pradeleix a connu la Polynésie, le Maroc, puis Hélène Darroze à Londres et enfin le restaurant « Manger ». Comme il est plus à Will qu’à Raw, c’est son épouse Marie qui officie en salle dans le Marais. De là bas, il supervise une carte qui change tous les mois. Cet hiver, ils introduiront peut-être quelques bouillons et feront quelques écarts de cuissons. Mais pour l’instant, cette sensation de froid sans chaud, c’est tout ce qu’on veut pour cet été.