Loiseau en 2016
Ne faites pas comme Michelin: ne cherchez pas Tante Louise. Contrairement à ce que croyait le guide cette année encore, l’établissement a changé de nom, fin 2015… Rebaptisé Loiseau Rive Droite, pendant de Loiseau Rive Gauche, le restaurant parisien du groupe de feu Bernard a entamé un sérieux dépoussiérage. L’ambition est clairement affichée par Dominique Loiseau: pour se démarquer, vivons étoilé. Cet établissement acheté par Bernard Loiseau en 98 vient d’enfermer dans ses cuisines un jeune japonais ambitieux. Ichiei Taguma, formé aux classiques français au Louis XIII et aux contemporains extrêmes chez Toutain, en sort d’inattendues très belles assiettes. A deux pas du Lucas Carton, vide ce soir là…, Ichiei assume pleinement la nipponisation de cette adresse centenaire. Derrière des vitraux Arts Déco préservés et un restau un peu trop conservé dans son jus à mon goût, service compris, la carte dénote dans sa modernité. Saisi par le contraste, la bouche n’en est que plus alerte. L’émietté de tourteau se glisse sous des lamelles de bœuf de Galice, le tout reposant dans un subtil consommé de crevette grise au citron vert. Au contraire de la rigueur des bouillons nippons, celui-ci se lie avec le gras du plat (mayo? beurre?) comme un joli clin d’oeil au savoir faire hexagonal. Façon palace, les petits pois crus sont même épluchés! Stylée l’entrée. Le homard saisi au beurre est isolé dans on assiette garni d’un navet rôti et d’une étonnante espuma hyper citronnée qui se tient mieux qu’ un nuage. On trempouille dans une sauce à la rhubarbe. Cet accord inédit, ça pique sur le côté de la langue, ça titille, ça interroge. Comme dans les grands menus, vient la viande: caille farcie au foie gras! Généreux insert goûter pour lui même car seules de sobres betteraves jaunes et les dernières asperges sauvages l’accompagnent. Comme le poisson pour le poisson, la viande pour la viande et des accompagnements qui ne sont que des supports de couleur ou de petits allègements en bouche. Les japonais travaillent souvent le plat pour le plat. Celui-ci a pris quelques travers de condiments en tout genre, herbes, sauces. S’ils sont très maitrisés, les surplus de mélanges le sont parfois moins. Le dessert rebondit en élégance sur un classique de la pâtisserie française: Opéra, en tronçon, couvert d’une coque en chocolat percée. Même après un menu en 4 services, on trouve encore un grand plaisir à tout engloutir. Côté vins, carte très conséquente qui puise dans toutes les régions, Loire et Bourgogne tout particulièrement avec, là aussi, les références favorites de la cuisine de la décennie 2010: Dagueneau. Graillot. Mikulski. Anne Gros
Pour une amatrice de jeune cuisine, pousser la porte d’un Loiseau parisien, quelle que soit sa rive, semblait à priori anachronique. Ce quartier de la Madeleine déserté par la création a pourtant gagné une adresse. Loiseau Rive Droite, fondé par une femme en 1929, première étoilée Michelin, dissimule derrière son histoire quasi centenaire et sa déco désuète, de multiples talents. Après avoir goûté ceux d’Ichiei Taguma, ne manquez pas ceux d’Emmanuel Chaignon. Le chef de salle vous racontera peut-être l’histoire de ce bar à cocktail où l’absinthe a sûrement coulé à flots; il vous montrera la vieille carte de cette Tante Louise qu’il fallait réserver via une standardiste: Anjou 06 85 SVP. Aujourd’hui, réservez au 01 42 65 08 85. svp!