J’ai percé le secret de la Mère Poulard
A poil l’Annette! J’ai mise à nue la mémé Poulard. Cette presque bicentenaire qui casse des oeufs depuis 1888 pour en faire une omelette, n’a plus beaucoup de secret depuis mon passage au Mont St Michel. La petite histoire c’est celle d’une simple femme de ménage qui a travers la baie au 19è s pour se mettre au service de l’architecte de l’abbaye. Elle n’en est plus jamais repartie. Pas folle, l’Annette s’émancipa en séduisant le boulanger du coin. Après avoir acheté un établissement, puis un 2è (l’auberge d’aujourd’hui), elle fonde alors sa réputation sur des œufs fouettés. Une omelette soufflée qu’elle avait pris l’habitude de servir aux pèlerins en attendant que cuisent les rôtis. Mais loin de la radasse de Marius, cette Pomponette du nord ne mit pas ses tous ses oeufs dans le même panier : elle pensa aussi à piquer la recette de sablés de son breton de mari et lança une fabrique qui aujourd’hui encore fait sa réputation jusqu’en Chine. Le groupe Mère Poulard (1 biscuiterie, 6 hôtels, 1 auberge, 1 café, 1 restau, 5 franchises) qui monopolise 80% de l’hôtellerie restauration du Mont St Michel, réalise 60% de son chiffre sur une histoire d’oeuf, 40% sur une histoire de pâte sablée. Franchisée en Asie, l’omelette de la Mère Poulard s’exporte même au Japon, en Corée et bientôt en Chine.
A St Michel, le groupe Mère Poulard continue de battre les oeufs comme autrefois. Adresse incontournable située à l’entrée du Mont St Michel, dans le bâtiment même de la matrone photographiée dans l’entrée, on continue de fouetter dans du cuivre comme avant et cuire au feu de bois comme hier. Des litres d’omelette sont servis chaque jour aux Coréens qui en raffolent et à une bonne partie des millions de curieux de ce 2è site le plus visité de France.
Porte ouverte aux vents, deux Mikey battent toute la journée un mix jaune très mousseux avec une indéniable dextérité du poignet (les nouveaux se chopent immanquablement des tendinites). A heures régulières, devant le public conquis, à coup de grands fouets, ils shakent leurs culs de poule à la main avec un sound système bien rôdé. Les héritiers de la Mère Poulard tentent de nous faire croire qu’une omelette n’est Poulard que si elle est battue dans ce geste de bénédiction assaisonnée au rap normand : 3-4 huit puis un coup de fouet sur le côté, un autre milieu, et on reprend. Reste qu’à 400 couverts par service (et sans doute bien 300 omelettes) les grands jours, au prix des charges sociales de chaque guguss, on a quelques doutes sur ces chaudrons de mousse magique. Effectivement, si l’on observe la scène devant la cheminée attentivement, arrivent régulièrement en douce, des potions discrètement pré mixées dans des batteurs électriques professionnels. Concédons éventuellement au foklore, qu’une finition manuelle + l’effet de chauffe du cul de poule en cuivre par le mouvement répété, apportent peut-être un peu plus de légèreté au mélange. Mais pour ce qui est du secret, on a quelques doutes.
Car bien sûr, comme c’est secret, on ne vous lâche rien sur place de la recette. Des œufs, oui, du beurre demi sel, oui, d’ailleurs on les a posés sur la table pour que tout le monde les voit. Un panier plein de N°1 de plein air élevés sans OGM mais « pas bio parce que c’est trop cher ». A 5 œufs par omelette démultiplié par 300 (par service), fois 2 (par jour), multiplié par 0,75 c d’euros (1,5€ la boite de 6 œufs), je vous laisse faire le calcul du rendement d’une omelette vendue 38€…Il est bien là le secret de l’omelette de la Mère Poulard.