Giovanni est revenu
C’est un peu la même frénésie que quand Jacques Brel chante Mathilde. Giovanni est revenu! Le messie de la pasta, l’italien le plus espéré de Paris, le chef chouchou, l’absent irremplaçable. Alors Giovanni se planque. Tout le monde passe lui faire coucou : forcément sa cuisine ouverte fait la taille à elle toute seule de feu Rino. Mais il tourne le dos à ses fans, se concentre sur ses fourneaux, transpire à l’ouverture. Ca turbine pour couverts qui ont tant attendu. La salle est pleine de fans. Des chefs voisins ou copains, de bonnes buveuses et autres amateurs de la première heure. On est à J+2 après ouverture mais tout est fluide. Le coup de fil à 12h pour une table à 13h, le sourire de Justine, les explications sommelières et précises de Cécile et surtout, la cuisine!
On s’assied à Passerini face à ces grandes baies vitrées, avec l’appétit Passerini hyper aiguisé. Depuis la fermeture de Rino, ça fait 3 ans qu’on a faim. On hésite à succomber aux pâtes légendaires. Mais les raviolis, on les a goûtés au Pastificio Passerini. La vraie patte de Giovanni, elle, moins. Au menu du jour (34€): asperges coques, cochon, baba. A la carte, ris de veau, tripes à la romaine (18€). Belles assiettes généreuses dressées par 4 têtes, cuisine (dont une japonaise) et un ex de Septime. Asperges saignantes, coques limpides encore juteuses, discrète hollandaise aux algues, fleur de moutarde. On avale avec délices, on se délecte d’un Lindenlaub, on discute tripes à la menthe avec son voisin, chef à Capucine, l’autre italien regretté du 11è. Le ris de veau (18€) est vraiment scotchant. Pas rosé mais blanc laiteux, croustillant autour avec une légère pointe de fumé – un effet inédit de cramé au goût pas brulé -, humide et résistant à la fois, une cuisson qui rend inutiles les petits légumes de printemps de l’assiette. Même effet magique sur le cochon. Moelleux croquant … gras transparent…. carré basque conséquent mais pas écoeurant, parfait. Sans faute jusqu’au baba. Le demi gâteau est servi tiède et bien imbibé – un client a demandé un rhum, on lui a répondu que la bouteille était coincée en cuisine – dans les règles de l’art, avec une crème crue et un sorbet raffiné pacossé à la rhubarbe pamplemousse, sans amertume, tout en douceur. Carte des vins en nature, bio et Italie, à l’image de ce VB1 2013 de Ligurie, de chair et de terre. Café facilité : Arbre à café. On aurait attendu un italien corsé, mais c’est oublier que Giovanni a aussi opté pour femme et cuisine françaises. Il reste rital dans son accent, ses pâtes et sa façon d’aborder de considérer le bistrot, de travailler les produits, qui font sa singularité et son excellence.