World Wide Food
Ca s’appelle kitchen on the run, c’est un container qui se balade dans 5 villes européennes pour faire la cuisine avec des migrants et c’est à Marseille cette semaine! Kitchen on the run a été monté par 3 allemands qui en avaient un peu ras le bol de voir arriver des migrants sans pouvoir rien partager avec eux. ils se sont dit: tiens, la cuisine ça parle à tout le monde. Et ils ont monté ce projet à 150 000€ avec trois fondations, un crowfounding à 15 000 et quelques donations privées. Quand ils sont allés à Ikea Berlin, ils ont demandé l’autorisation pour filmer dans le magasin pour commencer leur histoire et du coup, la directrice leur a offert toute la cam. Des étudiants en archi ont conçu leur objet mobile et les voilà partis: Bari en Italie, Marseille, chez eux à Duisburg, puis Deventer en Hollande et enfin Göteborg en juillet. A chaque fois, le même scénario : on déballe le container dans un parc ou un quartier pourri, un endroit simplement relié à l’eau et l’électricité. Cuisine et salle à manger se déplient et midi et soir, Andi, Jule et Rabea invitent des migrants fraichement arrivés, des populations locales défavorisées et quelques volontaires à venir cuisiner ensemble. La soirée se finit autour de la table, on partage couscous, feuilles de vignes gâteau au yaourt faits en commun.
A Marseille, Kitchen on the Run, a trouvé domicile à la Belle de mai, dans le quartier le plus pourri qui soit de St Mauront, la mairie leur ayant refusé la place Labadie. Ils sont du coup dans le parking prêté par le Comptoir de la Victorine. Leur joli container bleu est envahi dès 16h par des hordes de la rue Sainte Victorine toutes couleurs toutes tailles, qui se voient tout à coup ouvrir une super nouvelle cour de récré. C’est un bordel sans nom. Andi semblant peu aguerri aux kinder garden des quartiers nord, est quelque peu débordé: tous veulent cuisiner, tous les soirs. « Elle est où ta mère », leur demande-t-il quand ça chauffe trop. Ils apportent une « ressette », les frères, les soeurs, les cousins. Ils tirent des buts dans la cour, courent dans le container, jouent avec les couteaux. « Faites comme chez vous« , lance Jule à l’assemblée. Finalement, ça se calme quand il leur promet une soirée en cuisine, par groupes de 3. « Il a djit qu’on vient demain« , balance le chef de bande hilare.
Vers 18h, tous les participants contactés via les organisations d’accueil marseillaises ou qui ont réservé sur internet, débarquent à la Belle de mai. Sylvie, qui s’occupe des demandeurs d’asile au CADA, est venue avec un guinéen. Un groupe de 5 paki-afghans fraichement arrivé de Calais où ils ont passé 3 mois, et désormais hébergé dans une maison tous ensemble à Marseille, est là aussi. Ils parlent plus anglais que français mais ont de grands sourires. Et puis aussi, 3 jeunes étudiantes en socio, médiation culturelle, etc dont la blondeur et la fraicheur ravissent nos réfugiés. Au milieu des oignons à couper, ça sourit plus que ça ne pleure.
Chacun se raconte ses histoires d’arrivée en France. Haftom, un jeune Erythréen de 25 ans, au sourire Email Diamant pointe sur la planisphère son parcours jusqu’à nous. Il cherche aujourd’hui ici du boulot dans la réparation navale et cuisine comme un pro! Chez lui, ce sont les femmes qui cuisinent. Mais qu’ils viennent d’Afghanistan, des quartiers marseillais ou de Guinée, tous ont en commun un goût prononcé pour : le riz + poulet. Haftom y rajoute de la sauce « qui pique, qui pique ». Fatima, grand-mère voisine, a été trainée jusqu’au container par sa fille – en robe de chambre, sans dents et enceinte du 3è – pour faire son fameux tajine aux pruneaux.
Quand tout le monde aura participé au couvert et à la vaisselle, on finira vers 22h30, par passer à tale et manger. Au fur et à mesure de la soirée, Kitchen on the Run prend des airs de soirée Mont Chéri à Lampedusa. C’est assez bien pensant, à l’allemande, et en même temps assez touchant. Chacun va repartir avec quelques mots de français en plus, la kitchen va continuer son run et recommencer un peu plus loin. L’histoire est partout la même : des rencontres riches et éphémères et des besoins de containers partout en Europe.