Jim Harrison : eat and die
Il avait perdu un œil à l’âge de 7 ans, blessé par un tesson de bouteille. Celle-ci a toujours occupé sa vie. Le vin, la bouffe, la chasse, Jim Harrison en a peuplé tous ses romans. « Je considère ma passion pour la gastronomie et les bons vins comme une quête obstinée de l’authenticité, et je me prends pour un voyageur, un explorateur, un aventurier découvrant ces activités banales auxquelles nous nous livrons tous les jours : manger et boire« . Rip Jim Harrison. Scénariste, critique gastronomique et littéraire, journaliste, ce yankee avait quelque chose de Fernand Point. Il fustigeait « les maigres» qui sont les meilleurs arnaqueurs. Ses héros bâfrent, boivent (du Puligny-Montrachet), bouffent (sept douzaines d’œufs d’une traite). Et lui, qui posait sur ses murs des photos d’«un Français qui fait des saucisses et de merveilleux boudins noirs », des dessins de truites et des photos d’oiseaux, est un adorateur d’ail – «ah! l’ail! Il m’a littéralement maintenu en vie, alors que la psychanalyse et la prière ont souvent échoué» – et de Tabasco. Il collectionne des tas de bouteilles du piment qu’il considère comme anti dépresseur. Il aime le Nuit St Georges, le Bandol et le cabernet, lit autant qu’il mange, écrit aussi bien qu’il mange. D’aucuns disent (Andrea Petrini pour ne pas le citer) que « quand tu manges mauvais, tu chies mauvais », lui que «si vous mangez mal vous vivez très probablement tout aussi mal.»
Entre et chien et loup, il nous indique comment avaler un châteaubriant d’un kilo. Ou se dit adepte de repas de 13h, 50 plats et « seulement 19 vins ». La sagesse suprême ? S’empiffrer sans complexes dit-il dans cet hommage au cholestérol. Sans doute l’un des rares américains à vanter le groin de cochon, fréquenter les meilleures adresses de Paris (dont le Taillevent et l’Atelier de Joël Robuchon) ou de Vézelay, et à prépare des daubes ou des cailles fourrées au ris de veau. «Nous, on mérite ce vin ! Pas les cow-boys», déclare-t-il à Libération. Il était avec sa femme, décédée avant lui, « tous les deux obsédés par la bouffe », dit-il encore. Dans les Aventures d’un gourmand vagabond, l’auteur, raconte ses chasses, sa cuisine et celle de restaurateurs fameux de France, des US et de Navarre, et livre un échange de lettres avec son confrère, et ami, français, Gérard Oberlé (auteur notamment d’Itinéraire spiritueux). «Sur mon lit de mort, je me moquerai de quoi j’aurai l’air dans le miroir ou devant les autres, mais je me remémorerai avec plaisir la petite cuillère plongeant sans bruit dans le kilo de béluga».