Alors que la Foire du livre de Francfort ouvre aujourd’hui, l’Etang de Thau attend toujours de pouvoir remettre ses huîtres à la commercialisation. Quand l’actualité se télescope, ca donne deux excellentes raisons d’aller acheter L’Huître en questions. Un pavé dans la mer jeté par Catherine Flohic. L’éditrice d’Argol, qui n’a « pas de souvenirs sans huîtres« , prend le sujet hyper à coeur. Et la question hyper à corps! Cette bible arrive à point nommé à l’heure où l’huître devient la plus fashion des victimes de la mer et alors qu’on ne compte plus l’éclosion des bars à huîtres! Construit comme un reportage illustré, des ITW vivantes comme une minute de radio, en chapitres parfaitement séquencés et en portraits courts et efficaces, le bouquin répond à toutes les questions qu’on se pose en ce moment: c’est quoi une triploïde? les mois en R, c’est has been? Maldon, qui est-ce? L’huître comment la cuisiner? L’huître en questions pose d’emblée la brulante question d’actualité des triploïdes. En 4 pages très claires, le sujet est brossé! A travers la parole des chercheurs et de l’Ifremer, on comprend très vite et très bien comment dans ce secteur jusque là préservé, est désormais tiré par les soucis de rentabilité des ostreïculteurs et les préoccupations marketing. Car l’Etat a soudainement décrété que le consommateur voulait manger des huîtres toute l’année… Ah bon?

« Les hostilités sont comme les huîtres, on les ouvre »
Bien qu’hyper engagé, le point de vue de Catherine Flohic est étayé d’arguments solides. « Les huîtres naissent en mer« . Pouinbar. Quand ca n’est pas le cas, « quand le vivant appartient au privé« , on risque bien de « tout déstabiliser« . La perfide oppose subtilement les sincères « paysans de la mer » comme  Ismaël-Adam Drissi-Bakhkhat qui avec son diplôme de sciences Po et de philo, produit à Maldon des huîtres exceptionnelles, aux . Lisez les deux chapitres à la suite: entre un Ismaël, thésard philosophique (qui parle aussi bien d’huîtres que de Baudrillard!) attaché à travailler ses huîtres comme un pied de vigne et un Tarbouriech, qui se vante surtout d’exporter à Dubaï et de penser marketing et développement technologique »,  les discours sont diamétralement , et ici intelligemment, opposés. Les 350 pages s’achèvent par les recettes de chefs vedettes qu’on n’aura pas forcément envie de faire car trop complexes. D’Inaki Aizpitarte à David Toutain, en passant par Bertrand Grébaut,  Jean-Marie Baudic, Pierre Gagnaire et Alexandre Gauthier, qui tous affichent comme une humilité face à ce coquillage si féminin. « Un autre produit de la mer« ,  pour Inaki, « de jolis cailloux« , pour Baudic; quant à Gagnaire, il « a fait un régime d’huîtres et de jambon cru« …

Huitres en questions, est donc un livre différent écrit C. Flohic, un livre important. De ceux qu’on ressortira dans 10 ans pour dire, on savait!
Le bouquin à potasser pour arriver blindé au Sea food fusion festival de Brest devant Guillaume Sourrieu et Patrick Jeoffroy qui en connaissent un rayon sur la question.

*Huitres en questions. Catherien Flohic. ed Argol. juin 2015. 29,9€