A Mere ta mère
Les restaus, c’est comme la météo : il en pleut tous les jours. Des petits nouveaux qui n’ont même pas le temps d’enlever la devanture du précédent. Histoire de faire genre, on a beau être ouvert depuis 12 semaines, on n’a pas eu le temps de mettre l’enseigne alors on rajoute devant celle en place un « ceci n’est pas » Bo Bun Kitchen. Pour parfaire le style, on colle la carte des vins sur un bout de carton de vins… Et le client sur les tabourets hauts, le nez face à la rue alors que la salle est quasi vide. Car A Mere on cultive le « genre ». Genre cuisine semi ouverte, intitulés à 3 mots et carte énigmatique. Sauce « vierjus », par exemple, un mix sauce vierge/sauce verjus. Ah, ok. Ou des pralagneaux… des pralines de ris de veau (+ cassis, + réglisse en dessert). Ah, ouais. On étudie donc longuement ces plats issus de la tête d’un brésilien – Mauricio Zillo – qui à beaucoup voyager (Bocuse à Lyon, Santi Santamaria à Dubai, Al Pont de Fer à Milan) a fini par mélanger énormément de genres. Dans la carte des vins, c’est plutôt intéressant (Autriche, Italie, Espagne, Allemagne au milieu de nos Valette, Combier, Travallon ou Kreydenweiss), ailleurs, ça passe moins bien. Lait d’amandes, carottes, brèdes ou cocos, rhubarbe, câpres, c’est les desserts, les entrées ou bien???? « C’est bien le sucré« , confirme le jeune serveur, barbu mais très précieux. Genre quoi! Le menu? Deux entrées, un plat, un dessert mais au choix du chef. On a donc envie de lancer un gros f … off le presskopf (pressée de tête de cochon ).
Les plats arrivent vite (c’est tant mieux), avec moult explications (ça semble nécessaire). Beaucoup de fruits au milieu de tout ça. Le carpaccio de daurade est sympa mais le chasselas bien sucré, l’assaisonnement un peu violent! La barbue est cuite (parfaitement) à l’arrête, avec des quetsches et une sauce cacao. Etonnant mélange des plus réussis! Tout colle, rien en trop, très peu de sucre, le tout s’associe parfaitement dans un accord inédit. Reste l’épreuve dessert. C’est bien la première fois que je vois un foodingue travailler les brèdes mafane, ces espèces d’épinards malgaches à l’effet pile qui constituent la particularité du plat national, le romazavo. Ici, on a écrit brèdes ma fane… Encore un genre ou un manque de culture? Je penche pour la 2è solution quand le serveur, face à ma déception à ne trouver aucun fil vert dans ma soupe de brousse, m’explique que les brèdes sont une fleur blablabla. Pas faux, les brèdes font des fleurs. Mais ces trois pistils se cantonnent ici au genre. Pour finir, un café bien amer Terres de café. Hey, A Mere, quand on veut faire bon « genre », c’est pas Terre mais l’Arbre à café qu’on sert.