Arrival from Mazzia
Alexandre Mazzia est dans ses murs ! Un immense coffrage en béton texturé à l’huile de noisettes, grand bar en bois de 200 ans, de l’espace, beaucoup de lumière. Aucun détail de trop. Le lieu est à l’image de son logo, d’une extrême simplicité. Ailleurs, on aurait dit : c’est chouette, à Marseille, on se dit, c’est radical, inattendu, d’une modernité que le gastro marseillais ignore. Mazzia a quitté un lieu magique (le Corbusier) pour créer le sien plus prodigieux. Enormément travaillé, dans un résultat de simplicité apparente. Du mur à l’assiette, tout est dans la matière.
A l’image de son restaurant designé par Jérôme Dumetz, supervisé par l’architecte Stephane Reynaud (coauteur de la Tour Panorama la Friche de la Belle de mai), les choix de Mazzia sont extrêmes. Du nombre de couverts – 22 – au menu unique – on ne choisit que le prix – jusqu’aux ingrédients – harissa, goyave, charbon, dattes, amarante. Les laits sont fumés, de petits pois, aux arrêtes, de poulet grillé! Jus vert animal/poudre végétale, gluant/piquant, fumé/frais. Le diner avance sans lassitude, en une succession rapide de minuscules plats ultra travaillés. Mazzia a pensé plus d’une année ses envies, sa cuisine et cette cohérence de restaurant. Le service se fait discret et laisse la place aux sensations. Le bois, le vin (un joli savennières de Mosse), la lumière, tout participe aux ressentis. La vaisselle est lumineuse, pensée jusqu’à la préhension, les sensations tactiles et le bruit de la cuillère (quasiment aucun couteau dans ce repas).
Le résultat est incroyable, totalement assumé, radicalement nouveau. Alexandre a supprimé tous les satellites qui gravitaient dans l’assiette. Les bouchées sont donc telles qu’il les souhaite. Il a extrémisé la concentration – de goûts, de jus, de textures. Les cuissons sont exactes. Le chef dresse, chuchote à sa cuisine ouverte en angle, sourie, se déconcentre peu, apparaît en salle d’ici ou de là, murmurant ses plats et s’abstenant volontairement de tout commentaire. Le voyage est à chaque plat différent. Minimaliste sur le maigre, extrême sur le merlu charbonneux, douçâtre sur l’avocat sureau. Au moment de la focaccia noire (incroyablement évanescente) et de son beurre cumbawa, on se glisse sous la moustiquaire de ce « vieux blanc » de Pointe Noire. Il faut se laisser emporter par ses partis pris radicaux, imposés tout en douceur. Mazzia vient de poser ses bases. Avec une prise de risques maximale! Une très belle arrivée…Respect!