Alleno et le design
Au Sirah Genève, Yannick Alleno présidait le jury le Trophée Chef et Designer dont je faisais partie la semaine dernière. J’en ai profité pour lui demander son avis sur le design en cuisine, lui qui a passé pas mal de temps à concevoir des plats pour les contenants que Sylvie Coquet lui avait fait. Le Cookooning, une mini cocotte en porcelaine utltra fine qui part du plan de travail pour arriver sur table en passant par le four. Alleno travaille à nouveau avec un designer sur un contenant en porcelaine: Claudio Colucci car « j’ai besoin d’un relai pour exprimer une idée. C’est un échange car je ne sais pas faire de la porcelaine« .
C’est quoi le design ?
Yannich Alleno : C’est vraiment de l’art, l’expression d’une sensibilité à travers un objet.
Quel est l’intérêt du design pour vous?
YA: Il a une fonction de beauté et d’usage. Le design doit être au service de l’être humain. Qu’est ce qui fait que ce truc là peut rendre la vie esthétique et amener sa part de bonheur ? Je me souviens quand on a introduit les plateaux en carbone design de Citroën à la place des plateaux en argent de 18kg, ça été un progrès pour la santé des serveurs et leur mal de dos. L’objet qui facilite la façon de travailler et est bénéfique pour le goût, c’est toujours bien.
Le design se limite-t-il aux arts de la table ?
YA: Quand on fait un restaurant, c’est comme quand le petit Prince dit « dessine moi un mouton « . Au Cheval Blanc, nous avons mis en place un sas de décompression avant l’arrivée dans la salle de restaurant, une bulle de décontraction. Quand on sort du boulot, et qu’on va au restaurant, on n’est présent qu’après un temps de décompression. C’était intéressant de travailler là dessus, sur les frontières. Le meilleur truc pour une dégustation moderne c’est la fluidité. Il faut dénouer tous les noeuds de stress qu’il peut y avoir dans notre activité (la chaleur, l’éloignement de la cuisine du client, la proximité de la cave).
Quelles passerelles peuvent d’opérer entre chef et designer?
YA: il ne faut pas hésiter à se rapprocher, exprimer ce qu’on peut ressentir. Quand le design est au service d’un manque, c’est gagné. A Terroir Parisien, les discussions avec Wilmotte sur les codes du bistrot, les matières (le zinc, le bois, la pierre), le comptoir en coeur de restaurant, ont permis d’aboutir à ce que je voulais.
Le design doit-il aussi intervenir sur l’aliment ?
YA: (longue réflexion). Je ne suis pas certain. On est toujours sur le problème de la confrontation différente. Les égos s’affrontent. Même si on s’enrichit l’un et l’autre. Mais les deux sont-ils faits pour cohabiter, je ne sais pas. Si le design culinaire est au service du gout , ça me va.