Plaza Athénée : So Food contre Boé
Au Plaza Athénée, Alain Ducasse a décidé de revenir à l’essentiel! C’est quoi l’essentiel dans un restaurant trois étoiles mené par un (ancien) chef qui a toujours vanté le produit avant tout ? Moi l’idée me plaisait bien : un restau qui a les moyens de se payer le best of tout, qui sait pointer le nécessaire, oublier le superflu, parfaitement maîtriser les cuissons et rester dans la simplicité, je n’en connais pas des masses en France. D’ailleurs, l’essentiel, les Français n’aiment pas. Il faut que ca soit encore crémeux, flatteur et aguicheur. Alors je suis allée au Plaza avec un hyper sceptique: Philippe Boé. Je partage avec Philippe les pages cuisines de VSD mais pas forcément la même vision de la cuisine. J’ai voulu convaincre un gentil tradi (ses réactions en légende)…
Ca a mal commencé parce que Philippe Boé n’avait pas de veste et on lui en a imposé une! Les deux quadra que nous sommes ont un peu halluciné! Voilà donc mon Philippe rhabillé par Ducasse.
Après ça, comme l’essentiel c’est plus le boeuf en daube ou le pot au feu, mais juste une bonne vraie bonne côte, on vous ballade un train de côtes entier.
Même promenade pour le Pain de Christophe Vasseur. Les pavés entiers se baladent, tranchés à la demande : c’est nouveau, un peu partout, comme chez Saturne, le service du pain.
Après ces présentations brutes, on s’ouvre l’appétit avec un papier jambon avec une mini tartine de lard de colonata. Puis arrive dans la De Buyer en acier, une belle poêlée de jolies crevettes grises. Fourchette minimaliste, doigts obligatoires. Je continue à aimer cette brutalité simple. Philippe est affligé! Pour lui, le + du cuisinier, c’est de cuisiner, préparer, apprêter. Pour moi, l’excellence du produit excellemment bien cuit, simplement mis en scène, c’est l’essentiel. Mais les doigts dans les crevettes, Boé est convaincu : c’est bon! Très bon!
Les plats sont annoncés par les produits : agneau, artichauts, truffe, fromages, chocolat café brioche, etc. « St Jacques, salsifis, truffes » pour elle, « sole meunière, endives, truffes » pour lui. La carte se divise en « héritage », « collection d’hiver », « desserts ». Et là, ca dérape. Ducasse n’a pas tenu : la cuisine se sophistique, la sole est trop cuite, le service surjoue ! Je préfère croire qu’Alain Ducasse n’a pas osé. Car la cuisine essentielle d’Alain Ducasse existe: au Louis XV, à Monaco, où Franck Cerutti ne rigole vraiment pas avec le produit! magnifiques démos
A Paris , on attendait l’essentiel, on a le minimum. Une pince à linge sur la table d’un palace ne suffit pas à être radical.
Avec le café, j’ai juste pris un bout de nougat avec mon café. Fine tranche moelleuse et pleine de miel, de grosses pistaches et des fruits confits goûteux, la petite bouchée qui vous fait fondre et vous transporte instantanément dans la nature ducassienne. L’envie d’en reprendre encore de cet indispensable qui vous laisse le souvenir. Philippe Boé,lui, était déjà parti.
Il était là l’essentiel.